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Un exemple d'exploitation charbonnière

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
UN EXEMPLE D'EXPLOITATION CHARBONNIÈRE

Que ce soit par les "fosses del heirmitaige des bos de Morlanwelz", ou celles "estans autours des preis des dame" de l'Olive, ou d'autres "au aghaistes dalez les bos de Morlanwes", ou encore "sous les tris de Morlanweis", on extrayait du charbon sur le territoire de Morlanwelz-Mariemont dès le XIVème siècle.

Une fois la veine repérée grâce à son affleurement, le travail consistait à suivre son inclinaison et à pénétrer avec elle dans le sol, ou de l'exploiter par tranchée ouverte si l'on se trouvait sur le plateau.

L'exploitation continua aux XV, XVI et XVIIème siècles, et commença à se faire par puits verticaux et galeries qui recoupaient les veines (nous y reviendrons prochainement). Mais elle prit plus d'importance au XVIIIème siècle, quoique limitée encore par des baux assez courts, renouvelables par criées c'est-à-dire par adjudications publiques. Ainsi menacé de perdre son exploitation après 9 ans ou même après 15 ans, et de surcroît manquant de capitaux, le concessionnaire, mi-ouvrier, mi-paysan évitait les installations coûteuses, requises, par exemple, pour l'exhaure des eaux, et se contentait d'exploiter les couches supérieures.

Mais on voit alors apparaître des associations de travailleurs et de bailleurs de fonds. Ainsi se constitue notamment, dès 1685, la "société du Grand Conduit et du Charbonnage d'Houdeng" qui prend très vite une tournure capitaliste, en ce sens que les ouvriers associés sont rejetés progressivement des postes de direction au profit des financiers. On considère les premiers "en certaine façon" comme domestiques des autres.

Cette association visait surtout à rassembler les capitaux nécessaires à l'établissement d'un conduit, c'est-à-dire d'une canalisation faite de troncs d'arbres évidés dans le sens de la longueur et mis bout à bout, qui prenait l'eau du fond du puits pour l'évacuer vers le point proche le plus bas. A Morlanwelz, la profondeur du puits était donc conditionnée par le niveau de la Haine.

En 1765, Ghislain Drion, de Mons, qui avait obtenu 10 ans plus tôt pour un terme de 15 ans le droit d'extraire le charbon sous Morlanwelz, le parc de Mariemont excepté, est obligé pour des raisons financières de s'associer à quelques autres pour continuer l'exploitation. Or parmi ses associés, on relève notamment les noms de René et Mathias Morlet, du Roeulx, de Nicolas Croquet, de Fayt, d'André Laurent, de Houdeng-Goegnies, auxquels s'ajoutent en 1767 le comte d'Oignyes de Mastaing et le comte de Gougnies de Fayt.

Il est intéressant de constater qu'au même moment ces mêmes personnes participent à la constitution d'une autre société qui se propose d'exploiter le charbonnage de La Hestre, de Bois d'Haine à Jolimont, de Redemont et du Ternes dites Le Bouly. Quelques années plus tard, André Laurent, véritable homme d'affaires, détiendra aussi l'exploitation du moulin banal à Morlanwelz et le droit de terrage.

Le fonds des officiers comptables aux archives générales du royaume contient de précieux documents qui permettent de suivre l'activité de ce charbonnage pendant les années 1761- 1763 et 1768-1769.

On voit le receveur ou comptable, Adrien Potie, de Morlanwelz, rendre ses comptes à quelques associés qui les vérifient au nom de tous. Il tient note d'une part des recettes qui proviennent surtout de la vente du charbon et, dans une faible mesure, du matériel devenu inutile ; d'autre part des dépenses constituées par les différents frais qu' occasionne pareille exploitation : achats de bois, d'aiguilles, d'huile, même de pots de bière et de jambons pour fêter la Sainte-Barbe.

La recette du 1er mars 1768 au 31 janvier 1769 s'élève à 14.527 l. 15 s. 6 d. soit environ 1.320 livres par mois.

Les dépenses, parmi lesquelles on constate notamment 78 journées de maçons et de leurs aides, ou une messe de Sainte-Barbe payée au chapelain de La Hestre 39 patars c'est-à-dire environ 5 fois le salaire journalier d'un excellent mineur, atteignent 11.208 l. 18 s. 4 d. soit un bénéfice arrondi à 3.319 l. De cette somme, on défalque une partie des redevances seigneuriales, si bien que le boni reste de 1.500 l., à peine 10 % de la recette.

Immédiatement se fait la répartition de ce profit entre les actionnaires suivant la participation financière de chacun établie en 24e. Ainsi Deschuytener et Laurent, qui détiennent l'un et l'autre 7/24e, touchent chacun 437 l. ; le comte d'Oignyes et le comte de Gougnies détiennent chacun 4/24e et touchent 250 l. ; Morlet et Croquet pour leur 24e touchent chacun 62 l. 10 s.

Recette de février 1769 810 l. 1 s. 6 d.
Dépenses 563 l. 2 s. 6 d.
Bénéfice 246 l. 19 s. 6 d.


La répartition se fait cette fois sans tenir comte des redevances seigneuriales à payer.

Deschuytener et Laurent touchant 72 l. 0 s. 3 d. chacun.

Le comte d'oygnies et le comte de Gougnies, 41 l. 3 s. 0 d. chacun ;

Morlet et Croquet, 10 l. 5 s. 9 d. chacun.

Recette de février 1769 754 l. 0 s. 0 d.
Dépenses 724 l. 1 s. 0 d.
Bénéfice 29 l. 1 s. 0 d.

Soit 2 parts à 8 l. 14 s. 8 d.;
Soit 2 parts à 5 l. 19 s. 10 d.;
Soit 2 parts à 1 l. 4 s. 11 d.;
Si l'on compare le nombre de journées à la recette, on obtient les résultats suivants :

8.752 journées du 1er mars 1768 au 31 janvier 1769, soit 795 journées en moyenne par mois pour une recette de 1.320 livres.

en mars 1769, 773 journées pour une recette de 754 l.
en mai 1769, 1508 journées pour une recette de 2.175 l.
en juin 1769, 1267 journées pour une recette de 1.626 l.

On observe donc de fortes fluctuations mensuelles dans la vente du charbon et dans le nombre de journées, l'un n'ayant pas nécessairement un rapport avec l'autre, et la vente du charbon n'étant pas non plus nécessairement un rapport avec l'autre, et la vente du charbon n'étant pas non plus nécessairement en rapport avec la saison.

Les bénéfices varient très fort d'un mois à l'autre : 29 l. en mars pour 952 l. en mai. Sur 15 mois, la moyenne est légèrement inférieure à 200 l., ce qui donne par mois aux actionnaires un peu plus de 8 l. par 24e. Or l'ouvrier mineur, selon sa qualification, gagne entre 5 et 8 patars par jour soit de 13 à 20 livres pour un travail de 26 jours par mois. Pendant ce temps, le receveur touche 50 livres et le directeur des ouvriers 33 l. auxquelles doit s'ajouter son 24e (8 l.). A ce moment; les 2 actionnaires qui ont la plus grosse part (7/24e) touchent en moyenne 56 ou 57 livres. Comme on ne connaît pas le capital investi, il est impossible de calculer le rapport. En tout cas, pour les mois envisagés, la moyenne des bénéfices représente 15 % de la recette (compte non tenu des rentes seigneuriales à payer).

Il convient encore de remarquer :
  1. La collaboration financière entre la bourgeoisie et la noblesse ;
  2. Le salaire élevé payé aux ouvriers qui maçonnent : de 11 à 16 patars c'est-à-dire le double de ce que gagne un mineur. On pourrait croire que c'est simplement parce qu'on effectue un travail dangereux. En fait, le dépouillement de différents comptes permet de constater qu'il s'agit du salaire normal d'un maçon ; son manœuvre gagne 8 patars ; un menuisier, 17 patars ; un garde-chasse à pied, environ 18 patars.
Le mineur est donc très mal payé, ce qui explique l'expression : "carbonneu = bribeu".

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