Aller au contenu. | Aller à la navigation

Navigation

Navigation
Menu de navigation
Vous êtes ici : Accueil / Loisirs / Histoire / Histoire de Morlanwelz / M. Vanden Eynde / Procès pour un Moulin
Actions sur le document

Procès pour un Moulin

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
PROCÈS POUR UN MOULIN

  1. Du moulin à l'école primaire
A l'angle de la rue Portelette et de la rue Général de Gaule, la chute d'eau et les vannes en ruine témoignent de l'existence sur la Haine, d'un moulin dont la construction remonte au moyen-âge, bien avant 1372, date de la première citation dans les comptes du domaine de Binche. Une pierre scellée dans le mur de soutènement porte le millésime 1754 et les initiales couronnées de Marie-Thérèse; elle signifie qu'à cette date l'impératrice d'Autriche avait fait restaurer ce moulin parce qu'elle en était propriétaire. Les archives de la chambre des Comptes (n° 9065) mentionnent toutes les sommes payées aux entrepreneurs de la maçonnerie (J. J. Schhier et N. Maréchal), aux fournisseurs des bois (L. Massart), des charpentes (Ramboux et Delcourt), les pierres, ardoises, plomb, pavements, etc... . Les acquits de la chambre des Comptes (n° 2401) contiennent le cahier des charges de cet important travail :
  1. Les entrepreneurs devront démolir les anciens bâtiment et poursuivre leurs fondations jusqu'à ce qu'ils rencontrent le bon terrain.
  2. Les pierres et les matériaux des fondations s'arrangeront à la main par lits d'un pied de hauteur.
  3. Chaque lit "sera baigné d'un bon coulis de deux tiers de chaux et d'un tiers de sables".
  4. Le mortier sera fait de la meilleure chaux qui se trouvera aux environs des ouvrages et coulée huit jours avant de s'en servir.
  5. Le soubassement sera en pierres de grès et les murs en briques bien cuites et bien conditionnées.
  6. L'intérieur sera plafonné et blanchi, pavé de pierres bleues et "en carreaux de terre".
  7. Le toit sera couvert d'ardoises, etc...
Dans les villes comme dans les campagnes c'étaient en général les seigneurs qui construisaient les moulins, les entretenaient à leurs frais, puis les affermaient à un meunier. Il en était ainsi à Morlanwelz, où, en vertu du droit de banalité, tous les habitants de la localité et de Bellecourt, de même que les serviteurs du château de Mariemont, devaient faire moudre leur grain à ce moulin, moyennant un prélèvement d'un seizième. Cette spécification figurait dans les conditions générales d'affermage.

Or, en 1783, l'empereur Joseph II ayant décidé de vendre ce moulin domanial, en même temps d'ailleurs que ceux qu'il détenait dans de nombreuses localités du Hainaut, la communauté de Morlanwelz l'acheta par arrentement perpétuel de 800 livres. La transaction était avantageuse puisque la location s'était faite, en 1776, sur la base d'une redevance de 2.100 livres par an. On comprend, dans ces conditions, que les autorités communales : N. Godaux, mayeur, H. Desombercq, J. Ransart, A. Potie et A. Willame, échevins, aient tenté de s'opposer à la construction d'un moulin à vent à Chapelle-lez-Herlaimont, en 1786.

Cependant en 1824, l'administration locale décida d'ouvrir une école primaire et de couvrir les frais par la vente du moulin. Le projet était ainsi conçu :
  • Art. 1 : Attendu les besoins d'une instruction régulière et permanente pour une population de 1.400 habitants environ parmi laquelle un grand nombre d'ouvriers charbonniers et d'autres professions telles que clouterie et forge, etc..., la population dont l'accroissement a lieu d'une manière sensible par suite des importantes exploitations qui sont en activité dans cette commune, il sera établi à Morlanwelz, le plus tôt possible, une école primaire d'enseignement simultané, organisé d'après les plans et instructions du Gouvernement.
  • Art. 2 : Comme premier moyen d'arriver à cet intéressant résultat, une maison avec étages, cour, jardin et terrain contenant ensemble 49 ares, 41 ca située en face de l'une des places publiques de l'endroit, au centre des habitations, le long de la chaussée qui traverse la commune, sera acquise de M. Nicolas Warocqué, propriétaire de charbonnage,... qui en est le propriétaire à titre d'achat, et qui a offert d'en faire la cession à la commune au prix même de l'estimation faite par trois experts nommés ad hoc par le conseil communal.
  • Art. 3 : Cette maison ne servira pas seulement à la tenue d'un pensionnat et d'une grande école communale mais encore elle présentera la faculté et l'avantage de réunir dans une salle choisie à cet effet les membres des diverses administrations du lieu, pour leurs séances, et diverses pièces tant pour le dépôt et la conservation des archives que pour le service des écritures des dites administrations. Il y aura aussi dans le même local un corps de garde et une prison pour la police ordinaire.
  • Art. 4 : La salle d'école... aura une longueur d'environ 12 aunes sur 9 à 10 aunes de largeur (environ 15m sur 11m), et elle sera disposée et arrangée pour la pratique la plus fructueuse de la méthode simultanée. Dans ladite maison un local particulier tant pour le logement du maître que pour celui du sous-maître, seront réservés (sic) et convenablement disposés...
  • Art. 5 : Le prix de la maison... est fixé d'un commun accord à la somme de 7.500 florins (16.000 francs).
  • Art. 6 : Pour faire face au paiement tant de ce prix que de la dépense de l'arrangement et de l'appropriation du local à sa nouvelle destination et l'achat du mobilier de l'école communale, le moulin à eau de la commune sera vendu par adjudication publique ; il est actuellement tenu en location par le sieur François Willam, de Morlanwelz, au prix de 1.252 florins 50 (2.650 fr.) suivant le bail passé le 2 janvier 1818 pour un terme de neuf ans.
  • Art. 7 : Le moulin étant grevé d'une rente annuelle de 800 livres au profit du sieur P. Tiberghien, l'acquéreur sera tenu de l'acquitter en lieu et place de la commune et le surplus du prix de la vente sera appliqué au payement de l'acquisition de la maison pré-mentionnée.
  • Art. 8 : Comme il est probable que la somme que retirera la commune de l'adjudication du moulin sera insuffisante pour pourvoir à la dépense totale, le conseil adressera une respectueuse requête à Sa Majesté afin d'obtenir de sa munificence, en considération des bonnes dispositions que témoigne l'autorité locale et des efforts que se propose de faire la commune pour remplir les vues de Sa Majesté et assurer la bien-être futur des habitants de Morlanwelz, un subside ou secours notable pour aider à l'acquit des frais des importantes améliorations dont il s'agit.
  • Art. 9 : Un cahier des charges, clauses et conditions sera préparé par le conseil pour l'adjudication dudit moulin et la mise à prix sera combinée sur l'estimation qui en est faite par procès-verbal d'experts et sur le capital de la rente due à P. Tiberghien.
  • Art. 10 : A compter de 1825, il sera porté au budget du bureau de Bienfaisance une somme de 300 florins pour traitement des instituteurs et en compensation pour la classe indigente, tous les enfants pauvres seront instruits gratuitement dans la nouvelle école communale et la commune verra ultérieurement s'il lui est possible de faire sous ce rapport quelque proposition dans son budget...
  • Art. 11 : La place d'instituteur en chef sera conférée à la suite d'un concours qui aura lieu de la manière déterminée par les règlements.

  1. PROCÈS ET TRANSACTION Hautpage
L'administration communale avait donc décidé, en 1824, de créer une école primaire dans un bâtiment cédé par Nicolas Warocqué et d'en couvrir les frais par la vente du moulin, qui était grevé, depuis le 1er mars 1783, d'une rente annuelle de 800 livres représentant un capital de 8.571 florins, en faveur de P. F. Tiberghien, de Bruxelles.

Lors de la première mise à prix, le 25 juin 1825, Charles Roisin, de Nimy, offrit 5.000 florins plus la capitalisation de la rente, mais à la deuxième séance, cinq jours plus tard, Nicolas Warocqué, bourgmestre de Morlanwelz, resta adjudicataire pour 10.400 florins, soit en fin de compte, avec le remboursement de la rente et les frais, un total de 19.163 florins ou environ 1.700.000 francs actuels.

On sait les tendances orangistes de Nicolas Warocqué et son hostilité à la révolution de 1830 lui coûtèrent son écharpe de mayeur. Son successeur, Joseph Paris, et le nouveau conseil communal décidèrent immédiatement d'entamer une action en justice pour faire annuler l'acte d'achat de 1825, prétendant "que la vente du moulin ne pouvait être consentie au profit du sieur Warocqué aux termes de l'article 1596 du code civil puisqu'à cette époque il était bourgmestre de la commune et qu'en vain il chercherait à se prévaloir de la dispense qui lui aurait été accordée par l'ex-roi aux termes de son arrêté du 17 août 1825, n° 154, puisque cet arrêté en dehors des limites du pouvoir circonscrit par la loi fondamentale est inconstitutionnel et illégal". Ils affirmèrent aussi que N. Warocqué s'était acquitté du prix de son moulin par l'achat en arrentement d'un presbytère pour 2.500 florins, dont il exigeait un intérêt de 5%, et en vendant une partie seulement du bâtiment proposé pour 4.859 florins, somme excessive pour une grange ! Du reste, ajoutaient-ils, l'acte de mutation n'a jamais été réalisé.

L'affaire vint devant le tribunal de Charleroi, siégeant en première instance, le 22 février 1832, et traîna jusqu'en octobre 1834. Malgré les plaidoiries de l'avocat de Haussy, qui prétendait que les formes prescrites par la loi avaient été respectées et que la dispense royale obtenue par N. Warocqué pour faire cette acquisition était valable et à l'abri de toute critique, le juge Gobart estima d'abord que le tribunal était compétant, parce que :
  1. L'article 165 de la loi fondamentale (la constitution) attribuait exclusivement à l'autorité judiciaire tout différend ayant pour l'objet la propriété et les contestations qui en dérivent, "d'où il suit que bien que la faculté de dispense accordée à la couronne ait constitué en sa faveur un droit politique émanant de sa prérogative, les actes faits en vertude ce droit restaient néanmoins soumis à l'appréciation des tribunaux lorsque, comme dans l'espèce, ils régissaient des droits civils" ;
  2. L'article 107 de la constitution belge soumettait à la censure des tribunaux tout acte quelconque du pouvoir exécutif dont on lui demanderait l'explication ;
  3. Le contrôle politique et constitutionnel des chambres et celui des tribunaux se trouvaient indépendants tous deux dans leur sphère respective. Puis il considéra :
  • Qu'en accordant au pouvoir exécutif la faculté de dispenser, le législateur avait pris soin de modifier ce droit exorbitant en restreignant l'étendue à des cas déterminés et en le soumettant à des formalités qui en réglaient l'exercice ;
  • Qu'il serait absurde de supposer que le pouvoir constituant eût confié au roi la faculté d'octroyer des dispenses qui léseraient les droits d'un tiers ;
  • Que l'article 1596 du code civil défendait, sous peine de nullité, aux administrateurs de se rendre adjudicataire de biens communaux ;
  • Que l'arrêté royal du 17 août 1825, portant dispense en faveur de N. Warocqué de la prohibition, contenait une disposition concernant l'intérêt d'un tiers, représenté par la commune de Morlanwelz, d'où il résulterait que l'arrêté ayant été rendu hors des limites tracées par l'article 68 du pacte constitutionnel n'avait pu servir de base à l'acte de vente ;
  • Que l'article 68 de la loi fondamentale ajoutait la nécessité de l'audition du Conseil d'état, ce qui ne paraissait pas avoir été fait.
Pour ces motifs, il s'estima compétant et déclara nul et de nul effet de l'acte de vente. N. Warocqué devait remettre dans les vingt jours le moulin aux demandeurs "en bon état à dire d'experts", et "restituer tous les fruits perçus depuis son indue jouissance" ; il fut condamné aussi à payer les frais.

Peu satisfait d'une pareille décision, le châtelain de Mariemont interjeta appel. Il mourut, en 1838, avant le règlement du litige. Mais sa famille en arriva à une transaction :

Par devant le notaire Laurent, sont comparus M. Bailly et I. Leclercq, échevins de Morlanwelz, d'une part, et Abel Warocqué, d'autre part, agissant pour lui, pour sa mère et pour sa sœur. Lesquels comparants ..., voulant mettre fin par une transaction amiable au procès, ... voulant surtout les comparants de seconde part respecter à cet égard la volonté et les intentions que N. Warocqué avait manifestées de son vivant ... et réaliser la transaction qu'il avait déjà projetée et même consentie dans le but de faire quelque chose qui fut agréable aux habitants de Morlanwelz, ont convenu :
  1. Abel Warocqué et sa famille se désistent de l'appel du jugement de 1834.
  2. La commune restera propriétaire de son ancien moulin
  3. La commune percevra à dater du 1er décembre 1837 les loyers dudit moulin et acquittera au prorata la rente due aux héritiers Tiberghien.
  4. La commune restera également en possession de la maison de cure et paiera la rente qui la grève à dater du 24 mars 1826.
  5. Abel Warocqué et la famille seront réintégrés à dater du 1er décembre 1837 en possession des bâtiment et terrains que N. Warocqué avait consenti à céder à la commune pour l'établissement de son école et de sa maison communale, ainsi que toutes les constructions et améliorations faites avec des derniers provenant du prix de l'adjudication annulée du moulin ... tous droits, frais et honoraires de la présente transaction seront supportés par moitié entre la commune de Morlanwelz et les représentants de feu N. Warocqué ... Le 29 novembre 1838, en présence de Manderlier, A-J., instituteur".
  PRECEDENT.JPG suivant.jpg  
 
Hautpage