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Mariemont, station thermale

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
Mariemont, station thermale

L'histoire des 2 eaux minérales de Mariemont est assez curieuse et la richesse des archives suffisamment variée pour qu'on s'y arrête un moment, malgré les articles de Hubinont et Wellens.

La station thermale de Spa, dans la principauté de Liège, et les cures que viennent y suivre certains grands de ce monde, comme le Tsar de Russie Pierre le Grand qui a donné son nom a un pouhon, atteignent une telle renommée au XVIIIè siècle que la gouvernante générale de nos Pays-Bas autrichiens, Marie-Elisabeth, décide de tenter une expérience à Mariemont.

Convaincue à priori que les eaux des fontaines situées à proximité de son château ne manquaient pas de vertus curatives, elle en envisagea une vaste exploitation. A cette fin, en 1740, elle chargea 3 professeurs de l'Université de Louvain, Rega (1690 - 1756), De Villers (1701 - 1759) et Sassenus (1672 - 1756) de se livrer à des analyses chimiques.

Les 3 savants vinrent donc séjourner une huitaine de jours au château de Mariemont, et se livrèrent à diverses expériences qu'ils continuèrent en laboratoire à Louvain. Après quoi, Rega publia un beau rapport en latin où il était question des résultats des travaux, mais aussi d'histoire et de géographie pour faire connaître la région. Cette eau contient, dit-il, de l'hydrogène sulfuré, un peu d'acide carbonique, du carbonate de fer, de soude, un peu de sulfure de sodium et de chlorure de sodium. Elle convient parfaitement pour conserver et rétablir la santé, mais elle est recommandée plus spécialement aux gens qui souffrent de l'estomac, des intestins, de l'hypocondrie, de la cachexie, de l'aménorrhée et des voies urinaires.

L'année suivante, De villers publie un second rapport en français, suivi d'un supplément en 1742, dans lequel il insiste sur les effets curatifs de ces eaux minérales et mentionne les premières guérisons. Il propose même de consacrer un cours spécial à la question, mais le conseil des Finances lui conseille d'intercaler dans ses leçons un chapitre particulier sur les eaux de Mariemont; il lui alloue même un supplément de traitement à condition que les travaux expérimentaux continuent, pendant l'été, à Mariemont.

De chacun des rapports, près de 200 exemplaires sont édités et envoyés aux médecins qui se déclarent intéressés par l'expérience.

Les savants professeurs distinguent 3 sources : la fontaine archiducale préconisée "pour les maladies des reins et de la vessie"; la fontaine de Roidemont pour les poitrinaires; celle de Montaigu pour "les personnes de santé délicate".

Marie-Elisabeth, confiante, charge l'architecte de la Cour, Jean-André Anneessens, fils du doyen de métier bruxellois François Anneessens, décapité par les Autrichiens en 1719, d'exécuter les travaux nécessaires pour permettre aux malades de venir en cure à Mariemont.

C'est en mars 1741 que cet architecte vint sur les lieux pour étudier le site, l'agrémenter par des allées-promenades, faire acheter le terrain sur lequel se trouvait la fontaine archiducale, prévoir un pavillon et construire une maison pour les buveurs d'eau, d'une longueur de 27m, avec vestibule et, à chaque extrémité, une chambre pour les hommes d'un côté et une pour les femmes de l'autre.

La gouvernante fait activer les travaux et nommé Delval, originaire de Leuze, médecin-directeur de la nouvelle station thermale à partir du 15 mai.

Le contrat d'engagement contient les clauses suivantes :
  1. Le médecin-directeur doit résider à Mariemont ;
  2. Il doit construire, dans un délai de un an, une maison à ses frais sur un terrain qui lui est cédé à perpétuité le long de la nouvelle allée qui relie le château à la fontaine archiducale; son successeur sera tenu de payer à ses héritiers une rente annuelle représentant 5% de la valeur de la maison.
  3. Il sera aidé par un garçon pharmacien et un garçon chirurgien qu'il rémunérera lui-même; ce dernier pourra se faire payer ses services excepté par les pauvres "qui arriveront munis d'un acte des curés des lieux respectifs de leur domicile".
  4. Il notera les noms, âges, qualités et maladies des curistes, "sauf les cas où la bienséance restreint au secret", et dressera un rapport annuel.
  5. Il ne pourra recevoir aucun salaire pour les avis qu'il sera obligé de donner aux buveurs d'eau, mais percevra un traitement annuels de 100 pistoles ou 1.050 florins, payé par la recette des domaines de Sa Majesté au quartier de Binche; il pourra se faire payer les visites "qu'il fera chez eux, à leur réquisition, à la réserve des pauvres qu'il sera obligé de visiter gratis".
  6. Il est aussi chargé "de poursuivre et continuer l'analyse et l'examen de la qualité et quantité des principes dont les eaux se trouvent imprégnées avec des observations des différents effets qu'elles feront dans les différentes saisons et sur divers tempéraments.
L'exploitation thermale se complétait du commerce de l'eau en bouteille. Les carafons portant cachet d'authenticité provenaient des verreries de Charleroi et de Jumet; ils se vendaient tout compris bouteille, bouchon, eau, apposition du cachet et transport) 4 sols et 1/2 soit environ 1/5è du salaire journalier d'un garde à cheval.

L'affaire bien lancée paraît un moment compromise par la mort de la gouvernante générale qui, arrivée en juillet à Mariemont, y meurt quasi inopinément à la fin août 1741.

Mais quelques mois plus tard, l'impératrice Marie-Thérèse donne les instructions nécessaires pour continuer l'expérience. Elle prévoit la construction de logements, encourage l'installation de commerçants par l'octroi de quelques franchises (exemption de taxes), charge un responsable de réaliser les transactions nécessaires avec les propriétaires de terrains contigus au parc. Elle acquiert ainsi 3ha 1/2, continue l'aménagement du site, commence la construction destinée aux buveurs d'eau et envisage même de réaliser des bains chauds artificiels.

Hélas ! la guerre de succession d'Autriche commande des compressions budgétaires qui touchent les projets relatifs à l'installation thermale. On renonce au nouveau pavillon conçu par Anneessens pour la fontaine de Montaigu; on se contente de parer au plus pressé c'est-à-dire de réserver pour les curistes quelques chambres inconfortables dans le château et d'aménager les abords des fontaines. Puis on a recours à la publicité, mais oui ! On tente d'abord de traiter gratuitement --- et de guérir --- quelques pauvres, puis, comme l'expérience --- trop courte d'ailleurs --- ne donne pas, on a recours à la mondialité. Le comte de Calenberg, fils du chambellan du roi de Pologne et de l'Électeur de Saxe, et quelques personnes de son rang viennent à Mariemont s'installer dans les appartements royaux (1743), font la cure en absorbant 4l d'eau par jour, se promenèrent d'un bon pas pour accélérer la transpiration, restent 4 ou 5h à jeun, visitent Morlanwelz, le château de Fayt, les abbayes de l'Olive, d'Aulne, de Lobbes et de Bonne-Espérance.

La fontaine de Montaigu, parfois appelée fontaine Sainte-Thérèse ou encore fontaine au chapeau, se trouvait le long de l'avenue reliant le château à l'abbaye de l'Olive; elle reposait "sur 3 colonnes surmontée d'une toiture triangulaire rappelant la forme du tricorne".

A la fontaine archiducale, qu'on appelle aussi fontaine de Spa et située sur la seigneurie de La Hestre, une petite tour en forme de guérite en pierre de taille, débitait par 4 robinets l'eau amenée par des "buses" en chêne. Ce monument en pierre a été déplacé et se trouve aujourd'hui au centre fer à cheval dans le parc de Mariemont. Vous le retrouverez avec son cartouche aux armes de l'Autriche et les initiales de Marie-Elisabeth. La source a été exploitée par "le bon Grain" pendant une dizaine d'années après la première guerre mondiale.

En 1741, 27 personnes viennent se soigner aux eaux de Mariemont; en 1744, 57; en 1745, 51.

C'est peu si l'on tient compte uniquement du chiffre absolu; c'est satisfaisant si l'on pense aux circonstances : en 1744 la guerre de la succession d'Autriche s'étend aux Pays-Bas autrichiens en particulier dans la région de Mons, Binche, Ath, Charleroi. Et malgré le sauf-conduit du maréchal de saxe, commandant des troupes françaises ennemies, qui défendait "à tous soldats, cavaliers, ..., de faire aucun tort ni dommage dans le château de Mariemont", l'insécurité n'incitait guère à un séjour troublé par le passage des troupes.

Le commerce des eaux ne fut pas plus prospère : du 13 mai 1741 au 13 mai 1743, Delval ne débita que 471 bouteilles. Mais rappelez-vous le prix : il était beaucoup trop élevé.

Parmi les curistes, plusieurs personnes des environs, mais aussi de Thuin, de Nivelles, de Louvain, de Namur, de Fontaine-l'Evêque, de Mons, de Fleurus, de Saint-Ghislain, de Leuze, de Charleroi, de Floreffe, de Gosselies, de Braine-le-comte, d'Auvelais, de Tongerloo et même de Douai --- en l'occurrence un prêtre, Duvivier, originaire de Carnières; on note quelques anonymats très peu de nobles, 9 religieuses et 26 ecclésiastiques.

Si l'on en croit le rapport du principal intéressé, le médecin-directeur Delval, il s'y passait presque des miracles, jugez-en : "vice de peau invertébré, embarras de poitrine, gonflements des pieds et des jambes sans aigrit et acrimonieux très corrigé et les autres symptômes évanouis; a jeté plus de 3.000 vers pendant la prise de 18 jours; rare et radicale guérison de la sale et insupportable maladies dite impétigo; embarras du foie, jaunisse... aujourd'hui un miroir de santé; hystérie hypocondriaque qui lui causait des barbarismes et sursauts de bas ventre qui épouvantaient ceux qui l'approchaient; sang scorbutique et scrupuleux fort dépuré; obstructions et fleurs blanches guéries; lorsqu'il se trouve l'estomac surchargé ce qu'il connaît par pesanteur à son orifice d'égout envie de vomir, ..., il a recours à une douzaine de verres de nos eaux qui l'évacuent fort bien sus et sous".

La paix revenue, en 1748, on se refuse à de gros investissements, mais on relève encore dans les archives des travaux d'aménagements aux abords des fontaines et le renouvellement des conduites en bois. En 1752, on essaie encore de relancer la station thermale : plusieurs personnes "du ministère de ce gouvernement", qui doivent se rendre à Mariemont pour y faire usage des eaux minérales, sont autorisées à séjourner dans les appartements du donjon du château. Divers particuliers veulent aussi tenter leur chance et demande un terrain pour y construire une auberge, les chirurgiens attachés au service des buveurs d'eau supplient le gouvernement "de consolider leur établissement en leur accordant un terrain pour y bâtir une maison".

Le succès ne vient pas. Les sources même se tarissent par suite de l'exploitation charbonnière qu'on ira même jusqu'à interdire. Rien à faire. A la mort de Delval, sa charge n'est pas renouvelée. Sa maison est acquise par "Sa Majesté" et habitée par le surintendant du domaine Gamond, qui jusqu'alors logeait à la Malaise.

En 1768, la chambre des Comptes conseille même la suppression de la fonction de chirurgien, payée cependant d'une façon dérisoire, mais le gouverneur général considère cette place comme nécessaire : "il y a beaucoup de gens et ouvriers qui peuvent être dans le cas d'avoir besoin de son secours et qui n'en ont plus à attendre que de ce chirurgien depuis que le médecin est mort".

Lorsque le chirurgien Louis Luther, entré en fonction le 31 janvier 1753 meurt en 1769, c'est Antoine-Laurent Boulart de Chapelle-lez-Herlaimont qui le remplace et qui reçoit sa rémunération annuelle de 100 florins non plus du médecin mais de la recette du domaine de Binche. "Le chirurgien devra procurer aux buveurs, toutes les aisances convenables, tant pour ce qui regarde les cures, saignées ventouses, bains et opérations et applications... que pour le rasage, accommodage de perruques,... Il lui sera absolument défendu de pratiquer la médecine... Il ne pourra se mêler de l'administration des eaux de transport... Il devra se comporter en honnête homme et chirurgien d'honneur".

En 1786, c'est le fils Boulart qui devient à son tour chirurgien. En 1792, le personnel du château tente une nouvelle fois de faire désigner un successeur à Delval et proposent le médecin Van Hulst de Haine-Saint-Pierre.
Démarche inutile : Mariemont ne sera jamais le concurrent de Spa. Le beau rêve de Marie-Elisabeth n'a pas pu se réaliser.

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