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Mariemont, au XVIIIème siècle, parc ou chantier charbonnier ?

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
Mariemont au XVIIIéme siècle, parc ou chantier charbonnier ?

En 1743, au moment où le général comte de Ferraris dresse sa carte du parc de Mariemont, celui-ci contient 305 bonniers , soit un peu plus de 250 hectares.

Bien plus grand que le parc actuel, qui en comprend 45, il s’étendait de la "fontaine de Spa" au Colombie, en suivant à peu de chose près les limites de La Hestre, arrivait à "la Réunion" et à l’actuelle rue de la Portelette, englobait toute la Faisanderie jusqu’à l’emplacement du vieil hôpital Louise.

Ce coin de Morlanwelz, riche en charbon affleurant, était exploité déjà aux XIVème et XVème siècles. On se souvient peut-être qu’en 1545, l’empereur Charles-Quint avait donné en apanage la prévôté de Binche à sa sœur Marie de Hongrie, gouvernante de nos provinces (1). Celle-ci, tout en faisant construire à Binche par l’architecte montois Jacques Dubroeucq un vaste palais de style Renaissance, réalisa quelques expropriations pour se constituer à Morlanwelz un domaine qui prit son nom : Mariemont, sur lequel elle fit édifier un pavillon de chasse.

Dès lors, pour protéger cette résidence princière, l’illustre frère interdit toute exploitation charbonnière afin "que les allées et conduits de mynes quy se font pardessoulz terre pour trouver les vaines de carbonnaige ne soient cause de la ruyne et degast d’une partie des bois et des chemins".

Mais comme on continuait à tirer du charbon plus ou moins clandestinement, diverses ordonnances confirmèrent cette interdiction aux XVIIème et XVIIIème siècles. Surtout à partir du moment où la gouvernante Marie- Elisabeth décida, dès 1734, d’y séjourner régulièrement.

Un décret de 1738 défendit de traverser le parc à cheval ou en voiture, excepté les domestiques de la Cour, d’y dégrader les allées et les haies, de casser des vitres, sous peine d’être puni "arbitrairement" suivant la gravité du délit. Quelques mois plus tard ( 7 janvier 1739 ), l’empereur Charles VI prit des mesures pour empêcher toute dégradation. Il défendit à quiconque, même au personnel attaché à la maison royale, de tirer de la terre-houille dans le parc, sous peine d’une amende de six florins au premier délit, de douze en cas de récidive, de punition arbitraire et corporelle à la troisième fois; d’abattre ou d’emporter du bois vert ou sec; de ramasser des glands, de couper de l’herbe ou de laisser champier ( pâturer) aucune bête .Ceux qui commettaient ces délits la nuit étaient poursuivis et punis comme des voleurs. On devait considérer les maris comme responsables des actes de leur femme; les maîtres de ceux de leurs domestiques. On punissait les receleurs comme les délinquants.

Les sergents et les gardes pouvaient perquisitionner dans les maisons suspectes; ils recevaient la moitié de l’amende, de même que les délateurs !

Pour se garantir du personnel occupé dans le domaine, on lui défendit toute location de prairie et tout commerce de bois, même par personne interposée.

Charles VI rétablit aussi le terrain de chasse dans toute son étendue primitive et le fit délimiter par des poteaux plantés de distance en distance depuis les Estinnes, Péronnes et Trivières jusqu'à Trazegnies , Piéton et Anderlues. En conséquence, il était strictement défendu de s’y trouver avec des chiens ou des oiseaux de proie ( genre faucons ), de se servir de sacs ou de filets, de prendre n’importe quelle bête ou volaille, les jeunes ou les œufs, à l’exception des nobles qui gardaient le droit de chasse sur leurs terres. On tolérait cependant les chiens de garde, à condition qu’ils portent au cou "des billots d’un pied et demi de longueur", c’est–à-dire des pièces de bois longues de 45 centimètres pour les empêcher de courir. Tout délinquant devait être condamné, lorsqu’il s’agissait du gros gibier, à deux cents florins d’amende le première fois, à trois cents florins la seconde fois, et puni arbitrairement à la troisième; s’il s’agissait d’un gibier moins important ou de volaille, de destruction des nids ou des œufs, l’amende s’élevait à cent florins ou à deux cents en cas de récidive. De même celui qui était surpris avec des chiens de chasse, des oiseaux de proie ou des filets, devait payer cinquante florins pour un mâtin trouvé sans billot, l’amende s’élevait à dix florins. L’insolvable était emprisonné, banni ou fustigé.

On interdisait aussi la pêche sur tout le territoire de Morlanwelz, sous peine de dix florins d’amende la première fois, de vingt la seconde et d’une peine arbitraire la troisième fois (2).

Si l’on sait qu’un menuisier, un maçon ou un garde-chasse à pied gagnait un florin à un florin et demi par jour, et un mineur moins d’un florin, on conviendra de la sévérité des sanctions. On voulait que Mariemont restât un parc réservé aux plaisirs favoris des princes : la pêche et surtout la chasse.

Pour rendre la visite de la Cour plus agréable, on acceptait, lors des visites de la gouvernante et de sa suite que les habitants des environs et même de Mons y apportent des vivres. Les vivandiers et vivandières pouvaient y installer des tentes "pour vendre et débiter à juste prix des denrées et autres nécessités , et donner à manger et à boire". Somme toute, on favorisait l’humble initiative privée pour faciliter le ravitaillement de la Cour.

En fait, l’ordonnance de 1739 visait les gens de Morlanwelz et des environs qui désiraient se constituer à bon compte une provision de bois et de charbon. Elle n’empêcha pas le Conseil des Finances et la Chambre des Comptes de rechercher la meilleure façon d’exploiter cette richesse naturelle.

En 1738, le Conseil des Finances avait autorisé l’architecte J-A Anneessens, déjà intéressé par Mariemont avant qu’il ne soit question des eaux minérales(3), à faire ouvrir quelques puits afin de s’assurer de la richesse du gisement et des possibilités d’exploitation sans endommager le parc.

Les sondages réalisés jusqu’à 6 et 7 mètres de profondeur en divers endroits à l’est du château vers le Colombie et vers le prieuré de Montaigu, révélèrent une veine épaisse de 7 paumes d’un charbon de qualité, "le meilleur à brûler de tous les environs".

Anneessens estima qu’un conduit pourrait facilement évacuer les eaux vers la Haine en direction d’ Haine-Saint-Pierre : il calculait une dénivellation de 180 pieds ( une bonne cinquantaine de mètres ) pour une distance de 2.300 toises ( environ quatre kilomètres ). Le dommage dans le parc ne serait pas bien grand : il suffirait d’un puits et d’une place pour entreposer le charbon en attendant qu’il soit vendu, soit une superficie inférieure à un hectare. Sur le plan technique, pas de problème. Dans ces conditions, Anneessens se déclarait prêt à solliciter un octroi d’exploitation. Mais il y avait la vente ! Une enquête sur place laissa une vente de 200 à 300 chariots par an. A 12 florins le chariot, cela représentait 2.400 à 3.600 florins. Calculée sur cette base, une redevance de 10 pour cent rapporterait au Conseil des Finances, agissant pour compte du souverain, 240 à 360 florins, ce qui paraissait "un petit objet pour réduire un parc à un passage ouvert continuel tant pour les chariots et autres voitures que par les ouvriers de la fosse".

Pour éviter que les travaux ne soient envahis par les eaux d’infiltration abondantes par suite de l’exploitation quasi en surface des prédécesseurs, il conviendrait d’obliger les concessionnaires éventuels à tirer le charbon par le fond de la plus basse veine, même s’il fallait descendre à 50 ou 100 toises ( environ 90 ou 180 mètres ). C’étaient là les conditions imposées aux exploitants des carrières. Une canalisation souterraine (areine) de ce puisard à la rivière représentait une dépense de 8 à 9000 florins, soit une rente annuelle de 300 florins.

Récapitulons : 270 chariots par an ( les 300 prévus moins 10% de redevance) à 1 florin et demi de bénéfice =405 florins moins l’intérêt de 9000 florins, c’est-à-dire 300 florins, il ne reste que 105 florins par an pour le maître de fosse, ce qui ne peut suffire pour couvrir les risques et les "embarras". De plus les prévisions de vente paraissent optimistes : dans le Borinage, il y a 5.000 ouvriers charbonniers en chômage ! L’entreprise ne semble donc pas rentable.

Cependant on pourrait tenter une expérience : Anneessens acceptait d’exposer 5 à 600 écus pour exploiter en association avec le souverain; après un an on verrait le résultat, et le bénéfice serait partagé en deux parts égales, quel que soit le capital avancé par l’impérial partenaire. Mais on ne donna aucune suite à cette proposition.

Nommé gouverneur des Pays-Bas à la mort de Marie-Elisabeth en 1741, Charles de Lorraine veut savoir de quoi il retourne. Il charge le Conseil des Finances de prendre l’avis du conseiller fiscal du Conseil du Hainaut, Losson.

Celui-ci constate d’abord qu’on n’a pas tiré jusqu’à présent du charbon de qualité parce qu’on n’a pas atteint une profondeur suffisante. Il propose qu’on fasse appel aux amateurs afin de connaître ce qu’ils offrent pour prix d’une concession à court terme à titre d’essai, tout en exigeant de l’adjudicataire, homme à priori solvable, qu’il pousse "les ouvrages aussi avant (profondément) que l’on pourra se promette du (bon) charbon".

Les conclusions du conseiller Losson sont les suivantes :
  1. ou bien confier ce travail à des personnes qui ont sa confiance, qui acceptent les conditions et proposent de payer le quinzième de la production, soit moins de 7% ;
  2. ou bien tenter cette exploitation pour compte du souverain, ce qui présente un danger : les ouvriers assurés de leur salaire s’inquiéteront peu du succès "auquel on doit cependant les intéresser si l’on veut faire réussir ces sortes d’entreprises" ;
En d’autre termes, l’entreprise privée est préférable à l’entreprise d’Etat.

Mais l’Administration ne serait pas ce qu’elle est déjà à cette époque, si elle ne demandait un troisième rapport, cette fois au prévôt de Binche, de Gougnies, dont dépendait Morlanwelz.

Celui-ci commence par faire remarquer que les vieux ouvrages rencontrés lors des sondages de 1738, révèlent une intense et ancienne activité explicable seulement par la qualité de la houille. Point de doute qu’il ne subsiste des richesses considérables, mais il vaut mieux ne pas entreprendre l’exploitation pour compte du souverain " eu égard à la dépense qui serait trop frayeuse ". Ce qui revient à dire qu’il est des risques qu’il vaut mieux voir courir par des particuliers. En outre, il répète avec Losson qu’il faut choisir des personnes solvables, capables d ‘équiper la fosse non d’un conduit mais de machines indispensables à l’exhaure des eaux. Comme il n’y a pas de gens pareils dans la région de Morlanwelz, il se propose lui-même :
  1. il demande une concession pour vingt ans dans le parc de Mariemont et sur le territoire de Morlanwelz ;
  2. il promet d’y installer une machine "composée de 16 pompes" qui "tirera les eaux jusqu’à 120 pieds de profondeur" ( environ 35 mètres );
  3. au bout de vingt ans, cette machine avec les douze chevaux qu’on y emploiera et tout ce qui en dépend resteront au profit de Sa Majesté, sans en prétendre aucune indemnité" ;
  4. il payera une redevance de 5% de la valeur du charbon extrait ;
  5. à l’expiration du bail, il remettra toutes les terres en place, il les aplanira et replantera des arbres là où il les aura enlevés.
Toujours aussi administrativement, on prend l’avis des officiers principaux de la chasse et de la maison royale de Mariemont.

Comme il va de leur tranquillité ou de leur gagne-pain, la réponse tombe sèchement : les dégâts seront considérables dans le par cet dans les bois circonvoisins ; le profit paraît incertain ; enfin c’est la destruction de la chasse, plaisir favori des princes, et du même coup l’abandon de Mariemont.

La Chambre des Comptes en conclut qu’il vaudrait mieux ne pas se lancer dans cette exploitation : on respecterait ainsi le règlement de 1739, mais elle n’ose se prononcer formellement.

Le 5 février 1743, Charles de Lorraine trouve que les affaires traînent en longueur. Pour la troisième fois en un an, il demande des conclusions définitives.

Le 10 mars réapparaît Anneessens qui se targue d’avoir étudié à Liège, là où il est allé construire la grande façade du Palais, les problèmes de l’exploitation charbonnière. Il en revient à ses deux propositions : ou une adjudication pour un long terme ou une expérience d’un an en association avec le souverain pour se rendre compte de l’importance de la vente. Dans ce dernier cas, il propose même pour "tenir notice de la dépense et du débit" un certain Quivy qui est déjà ce que nous appellerions aujourd’hui conducteur des travaux à la fontaine minérale où il n’a pas beaucoup de travail, car à la suite de la mort de Marie-Elisabeth on a fortement ralenti l’entreprise dans l’attente de nouvelles instructions(4).

Mais la guerre de Succession d’Autriche et l’occupation de notre région et du pays par les troupes françaises renversent tous les projets.

Le temps de rétablir un peu d’ordre dans la maison après le traité d’Aix–la-Chapelle en 1748, et Charles de Lorraine, qui avait fait construire un nouveau château à Mariemont en 1756, décida de tenter à son compte l’expérience de l’exploitation charbonnière dans le parc, à partir de 1759.

(1) Voir ci-dessus, n° 14 et 15
(2) Archives générales du Royaume, Conseil des Finances, n° 2170
(3) Voir ci-dessous, n° 21

On sait qu’il fût chargé en 1741 de construire la "fontaine de Spa" à Mariemont et d’y aménager un site accueillant pour les curistes.

(4) Archives générales du Royaume, Conseil des Finances n°2163.

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