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Charles de Lorraine, un prince charbonnier

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
CHARLES DE LORRAINE, un prince charbonnier

Après avoir construit le troisième château de Mariemont en 1756, Charles de Lorraine, gouverneur de nos provinces, se décida à exploiter le charbon dans la forêt, pour son propre compte.

Il fit commencer les travaux en 1759. Les premiers résultats furent encourageants : on atteignit assez vite une veine de 3 pieds de largeur(1) et l'on put extraire un charbon de qualité à partir de 2 puits profonds l'un de 30 pieds et l'autre de 40, à l'aide de 8 ouvriers qui travaillaient jour et nuit(2). Par la suite, les travaux piétinèrent. Il fallut près de 7 ans pour trouver, à proximité des anciens bureaux de Mariemont, une veine épaisse de 7 paumes. Pendant ce temps, on établit, à une profondeur de 27 toises, un conduit qui permettaient d'évacuer l'eau vers la Haine distante d'environ 600 toises(3). Les dépenses s'élevèrent à 31.842 florins pour une recette de 16.208 florins; celle-ci couvrait donc à peu près la moitié de celle-là.

La grande veine atteint, Charles de Lorraine fit venir des spécialistes liégeois pour construire "une machine avec des chevaux et...faire ce qu'on nomme une bure", c'est-à-dire établir au-dessus du puits un treuil actionné par des chevaux, qui facilitait l'élévation du charbon et éventuellement l'exhaure des eaux à l'aide d'un cuffat : tonneau ou manne en osier.

Il calcula d'une façon précise le prix de revient et la quantité de charbon qu'on pouvait extraire en 24h à l'aide de 2 bandes d'ouvriers(4) :

  florins sols deniers
15 mineurs, 12 à la veine et 3 pour préparer les galeries, à 10 sols(5) 7 10  
20 meneurs à 6 sols 6    
2 clicheurs d'eau à 10 sols 1    
3 pompeurs à 8 sols 1 4  
4 chargeurs à 8 sols 1 12  
6 ouvriers à la bure à 8 sols 2 8  
1 mesureur de charbon à 9 sols   9  
1 assistant   8  
1 contrôleur   14  
1 directeur   14  
3 palefreniers à 14 sols 2 2  
Entretien des harnais   3  
Paille   3 6
Foin   11 6
Son   5  
Avoine 3    
Paille hachée   2  
1 tonnelier   5  
1 charpentier qui travaille un jour sur 2 à 14 sols par jour   7  
1 maréchal et son assistant qui eux aussi travaillent un jour sur 2 à 14 sols   14  
Clous   4  
Fer   10  
Acier   6  
8 livres de chandelles à 4 sols 6 deniers 1 16  
20 perches en bois   10  
Bretelle   10  

Dépense totale par jour :

36 8 0

Production et recette en 24 heures:      
44 muids de charbon menu à 20 sols 44    
8.000 livres de gaillettes à 35 sols 14    
6.250 livres de gros charbon à 45 sols 13 10  

Bénéfice escompté par jour :

35 2  

Apparemment, le profit est donc de 100%. En fait, il y a lieu d'amortir les investissements préalables, puis tous les travaux d'agrandissement et d'équipement. Charles de Lorraine estime que l'enfoncement d'un puits à 20 toises coûte 115 florins; à 30 toises, 172 florins; à 40 toises, 250 florins.

Son journal intime précise aussi le prix de revient "d'une voiture de houille rendue à Bruxelles avec une charge de 10.000 livres, tirée par 4 chevaux" :

  florins sols
La grosse houille à 45 sols le mille 22 10
les barrières ou péage sur les routes 3 14
Marlotage ou taxe provinciale sur le charbon 4  
Entrée en brabant 1 2
Vinage ou taxe pour l'entretien des ponts   6
Chargement   15
Droit de ville à Bruxelles 9 10
Mesureurs 1 5
Nourriture des 4 chevaux pendant 3 jours et frais divers 7 16

Total :

50 18

Comme la houille se vendait à Bruxelles 6 florins les 1.000 livres, la recette de 60 florins laissait un bénéfice de 9 florins 2, soit à peu près 15% du prix de vente.

Les marchands pouvaient donc tirer profit de leur commerce avec Bruxelles. Dans ces conditions, la demande et la production ne cessèrent d'augmenter. On creusa même un nouveau puits "au carrefour de Saint-Pierre", sur la hauteur proche de La Hestre.

Mais, contrairement aux prévisions, les dépenses dépassèrent les recettes. En 1769, Charles de Lorraine fit arrêter cette exploitation qui se soldait par un déficit de 30.584 florins.

Cet échec, on peut l'attribuer au manque de fonds pour un équipement adéquat(6), à l'incompétence du gouverneur, de son représentant, l'intendant du domaine de Mariemont, de Gamond, et du directeur du charbonnage, Châtillon, concierge au château. On peut aussi se demander s'il n'est pas imputable à l'insuffisance des salaires. Voyez ci-avant les rémunérations attribuées aux diverses catégories d'ouvriers : elles ne dépassent pas 12 sols, mis à part le palefrenier, le contrôleur et le directeur, qui en touchent 14; or, au même moment l'ouvrier du charbonnage de La Hestre-Haine-Saint-Pierre reçoivent 10, 14 ou 16 sols; le directeur, 27; le receveur, 41(7).

Cette triste expérience ne découragea pas cependant les audacieux. Vingt-cinq ans plus tard, lors de l'occupation française, de profondes rivalités se déclenchèrent entre les hommes d'affaires désireux d'obtenir la concession du parc. Celle-ci échut finalement au groupe Hardempont, Warocqué, Duvivier, Tiberghien, les véritables fondateurs du charbonnage de Mariemont.

(1) Le pied de Hainaut valait 0m 294
(2) Archives générales du Royaume, conseil des finances n° 5023
(3) La toise valait 6 pieds, environ 1m 75
(4) A.G.R., secrétaire d'Etat et de guerre n° 2605
(5) Le florin valait 20 sols ou 10 patars et le sol, 12 deniers
(6) Ainsi, pour l'exhaure de l'eau, l'intéressé avait projeté de faire installer une machine à feu du type Newcomen, mais il se contenta d'en demander le devis
(7) A.G.R., Archives des comptables n° 546

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