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Abel Warocqué, Victor Boch et l'Eglise de Baume

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
ABEL WAROCQUE, VICTOR BOCH,
ET L'EGLISE DE BAUME

Les usines Boch frères à La Louvière, pour fêter cette année leur 125ème anniversaire, ont, en collaboration avec le Cercle archéologique du Centre, organisé une exposition rétrospective de leur production et publié un beau catalogue, accompagné d'une étude historique. A cette occasion, il est intéressant de faire connaître une brève correspondance échangée entre Victor Boch et Abel Warocqué à propos de la création de l'église de Baume.

Il faut savoir qu'Abel Warocqué, bourgmestre de Morlanwelz et administrateur des Charbonnages de Mariemont et de Bascoup, était propriétaire à Saint-Vaast, de nombreux terrains qu'il tenait de son père, Nicolas Warocqué, et que les Boch avaient fondé une faïencerie dans cette dernière localité.

C'est en 1841 que Jean-François et Eugène Boch, accompagnés de J-B Nothomb, gendre du premier et beau-frère du second, avaient parcouru la région de Charleroi et du Centre à la recherche d'un endroit favorable à l'implantation d'une faïencerie, leur choix se porta finalement sur Saint-Vaast, où ils avaient trouvé une poterie et des terrains contigus à vendre, le long de la chaussée de Soignies à Mariemont, un approvisionnement facile en charbon et une communication possible avec les embranchements du canal Charleroi-Bruxelles et avec la ligne de chemin de fer Manage-Mons, alors à l'état de projet. Les Boch et J-B Nothomb construisirent la faïencerie Keramis, formèrent une société en nom collectif, en 1844, et confièrent la direction de l'usine à Victor Boch, le frère cadet d'Eugène.

A cette époque, le curé de Saint-Vaast estima que son église, à peine suffisante pour un tiers de la population totale de la commune, se trouvait trop éloignée --- 3/4 de lieue --- pour les habitants des hameaux de Bouvy, du milieu des Camps, du Hocquet, de Baume, du Rivage, de la faïencerie et des verreries. En conséquence, il conçut le projet de construire une église "en face de chez Mathée". Ayant pris contact avec Abel Warocqué, une des plus grosses fortunes du Centre, il en reçut promesse d'une cession de terrain "dans le voisinage de l'ancien établissement de Sars-Longchamps" et discuta avec lui de l'emplacement. Celui-ci, "quoique n'étant pas tout à fait au centre, paraît cependant assez convenable et favorable au bien général. Un peu au-delà vers la maison de Mathée ne serait pas plus mal; mais placer l'église près de cette maison... paraît contraire au but principal, en ce que ce serait l'éloigner tout à fait de la population la plus considérable, celle de Baume, population déjà existante, pour la rapprocher d'une population beaucoup moins nombreuse actuellement, et peut-être incertaine quant à ce qu'elle peut être à l'avenir.

Car, par exemple, il y a des années que la verrerie de Saint-Vaast existe et la population cependant ne s'y est pas accrue. De plus les nombreux ouvriers de Baume, qui ont leur maison, n'iront pas les transporter ailleurs. Il ne pourra donc y avoir principalement que les ouvriers de la faïencerie qui s'établiront dans le voisinage de la maison de Mathée. En outre, il est mieux, pour une église, de ne pas être placée au centre du tumulte et du bruit.

"Quant aux moyens d'exécution : en acceptant la place que vous avez la bonté de nous offrir, je perds 2.000 frs sûrs d'une seule famille de Baume, et aussi 80 verges de terrain, ainsi que beaucoup d'autres souscriptions et une grande quantité de charbon promise par la société de Houssu. Ce sont là de grandes pertes, vu nos faibles ressources. D'un autre côté, les établissements de Sars-Longchamps, de La Louvière, de la faïencerie ne se prononcent pas, et je ne sais encore ce que je puis en espérer...

"Une observation aussi qui mérite l'attention, je crois, c'est que La Louvière exploite actuellement sous les terrains vis-à-vis de Mathée, de manière qu'il pourrait y avoir grand danger à faire présentement, en cet endroit, une construction telle qu'une église." (9 juillet 1844)

Après échange de vues et discussion technique sur le danger des dégâts miniers, Abel Warocqué estima que l'emplacement "en face de chez Mathée", en bordure de l'actuelle place J. Mansart, était le meilleur.

Six mois plus tard, le curé de Saint-Vaast insista auprès du donateur pour disposer des plans et permettre ainsi au bourgmestre d'introduire les demandes de subsides et d'autorisations. Mais, le 24 septembre 1845, il lui annonça que, à la question du gouvernement sur l'opportunité d'une église "pour les hameaux de votre commune", l'administration communale, cédant à d'étroites préoccupations d'intérêts privés, avait répondu négativement, cherchant à entraver une conception qui devait accroître l'importance déjà si grande d'un hameau séparé du gros du village.

Cet abbé opiniâtre ne s'avoua pas vaincu pour autant : il rechercha l'appui du commissaire d'arrondissement et du ministre Deschamps, originaire de la région, et invita Abel Warocqué à multiplier aussi ses efforts. A eux deux, ils prirent l'initiative d'une pétition qu'ils envoyèrent à la Députation permanente du Hainaut.

Malgré tout, le projet n'avançait guère, surtout à cause de l'opposition de la société charbonnière de Sars-Longchamps, qui voulait même empêcher les propriétaires du sol de bâtir sur des terrains qui recouvraient des concessions minières et prétendait que l'offre de terrain par Abel Warocqué était faite pour donner une plus-value considérable à ses propriétés.

Le châtelain de Mariemont, orfèvre en la matière, se défendit facilement. Arrêtés royaux à l'appui, il démontra que le propriétaire du sol gardait le droit incontestable de bâtir quand et comme il l'entendait, nonobstant l'existence sous sa propriété d'une concession exploitée ou non. Quant au choix de l'emplacement de l'église, il était dû aux habitants eux-mêmes qui l'avaient reconnu le plus convenable, et, disait-il, il ne fallait pas connaître les lieux ni les progrès que l'industrie avait déjà réalisés et était à la veille de réaliser encore dans cette partie de la commune, pour oser contester cette vérité. "J'ajouterai, reconnu l'honnête Abel Warocqué, que je n'ai point à écrire qu'en offrant de donner gratuitement le terrain nécessaire à la réalisation du plan projeté, j'ai eu en vue non seulement l'intérêt des habitants, mais encore celui de mes propriétés voisines. Mais depuis quand l'intérêt de la propriété foncière peut-il être signalé comme un intérêt illégitime et peu digne de faveur ? ... Si la création de l'église projetée doit accroître la valeur des propriétés, c'est là une nouvelle preuve de son utilité, c'est en même temps une nouvelle cause de faveurs auprès des autorités".

Le 10 avril 1846, Abel Warocqué, désireux de vaincre tous les obstacles, demanda aussi l'appui du commissaire d'arrondissement. Son projet, cette fois, ne se limitait plus à la construction d'une église mais devait contribuer au développement de La Louvière. Il écrit :

"La partie de la commune de Saint-Vaast, près du cerisier, a dès à présent une grande importance et cette importance ne peut manquer de s'accroître prochainement encore, par suite du voisinage de la station principale du chemin de fer qui est dès à présent en construction. Dans la vue de coopérer autant qu'il est en moi à l'essor de cette partie de la commune, et aussi dans la pensée d'accroître la valeur des propriétés que j'y possède, j'ai formé le plan de tout un hameau nouveau à établir dans cette localité. La copie de ce plan, que j'ai l'honneur de vous transmettre par la présente, vous mettra à même d'apprécier qu'il serait à la fois une exécution remarquable par elle-même et un heureux exemple pour nos contrées industrielles, dans lesquelles les constructions nouvelles dirigées sans ordre et sans esprit d'ensemble ne réalisent pas, pour les communes qui les voient naître, les améliorations et les embellissements qu'elles devraient en attendre. Aussi, Monsieur, suis-je convaincu que ce plan vous paraîtra digne de toute votre sollicitude. Au nombre des éléments de ce plan se trouve la création d'une église, d'une cure et d'une école. Mon intention bien formelle est d'offrir gratuitement les terrains nécessaires à ces établissements considérés comme partie intégrante de mon plan. Les démarches nécessaires pour être mis à même de bâtir l'église, dont la nécessité est démontrée et ne peut-être contestée que par ceux qui peuvent avoir intérêt à entraver l'essor de cette partie de la commune, ont été faites près de l'autorité par les habitants et je ne puis douter qu'elles soient favorablement accueillies. L'intérêt intellectuel et religieux de ses habitants sollicitent donc une prochaine décision à cet égard et votre sollicitude éclairée ne peut manquer de la provoquer".

Énervé par les obstacles, les lenteurs administratives et le départ du curé de Saint-Vaast, qui avait été déplacé à Quévy-le-Grand mais continuait à l'appuyer et à récolter de l'argent, Abel Warocqué fit exécuter les plans par l'architecte Suys, qui avait déjà conçu le château de Mariemont en 1830, frappa à la porte de toutes les personnes susceptibles de financer son projet et, pour forcer la main, donna l'ordre de commencer les travaux. Le 16 août 1848, alors qu'il avait déjà dépensé environ 12.000 frs, il eut le plaisir d'apprendre que les autorités locales avaient introduit une demande de subsides, que la Députation permanente l'avait favorablement accueillie et avait transmis un rapport favorable au Ministère de la justice. Finalement, il obtint l'approbation royale, le 13 septembre 1848, et 2 subsides officiels de 5.000 frs.

Mais ces sommes étaient insuffisantes : elles représentaient à peine le tiers du devis établi par Abel Warocqué, lui-même, de la façon suivante : maçonnerie, 13.176 frs ; pierres bleues, 5.080 frs ; charpente, 2.520 frs ; fers, 1.020 frs ; toiture en ardoises, 3.250 frs ; plafonnage, 1.616 frs ; pavement en dalles de pierres bleues, 1.450 frs ; menuiserie, 1.000 frs ; conduits en zinc pour les eaux du toit, 450 frs ; vitrage, 250 frs ; imprévus, 388 frs ; soit un total de 30.181 frs, porté par erreur à 31.588frs.

Pour ne pas trop débourser, Abel Warocqué multiplia ses sollicitations auprès des particuliers, notamment auprès de Victor Boch, en lui signalant qu'il s'adressait non pas à lui personnellement, puisqu'il avait déjà reçu 500 frs le 31 août 1847, mais qu'il souhaitait une participation de la faïencerie. Le 18 mai 1848, il reçu cette réponse :

"J'ai bien reçu vos 2 honorées lettres du 7 et du 17 courant, qui m'engagent à prendre part à la souscription pour la nouvelle église de Saint-Vaast. Je regrette de ne pouvoir y prendre part. C'est avec peine que j'ai vu choisir l'emplacement de l'église aussi rapproché de la fabrique. Outre un voisinage peu agréable, je le regarde surtout défavorable pour les ouvriers faïenciers dont le bienfait d'avoir une église rapprochée est rendu doublement pernicieux par la grande agglomération de cabarets, suites du voisinage d'une église.

L'action fatale de ceux-ci sur les populations des manufactures m'avait porté, ainsi que mon frère, à choisir l'emplacement de la faïencerie le plus isolé possible et de désirer la construction de l'église dans un rayon moins rapproché. Après l'opposition de Saint-Vaast et de Bohm (pour Baume), vous vous êtes chargé plus spécialement de l'église et, le tracé de l'emplacement établi, je n'ai plus fait de remarques à ce sujet, regardant la chose comme vous étant plus personnelle.

Une seconde raison qui m'empêche de contribuer cette année-ci pour l'achèvement de l'église, c'est que j'ai déjà promis 500 frs pour la construction d'une maison d'école qui doit se faire pendant le courant de l'année; à cette souscription ont pris part pour les ouvriers faïenciers pour 400 frs environ, somme qui reste encore en grande partie à verser.

Je vais faire part à mon frère et beau-frère Nothomb de la souscription pour l'église, et je ne négligerai rien pour les y engager à y prendre part, ce que j'espère bien aura lieu".

L'initiative d'Abel Warocqué avait donc mécontenté Victor Boch, alors âgé de 32 ans, qui s'était félicité de la création de son usine dans un endroit peu peuplé. S'était-il imaginé ce fondateur de Keramis, dont l'origine allemande se sent dans le style, que sa réalisation ne contribuerait pas au développement de La Louvière ?

En tout cas, en 20 ans, l'agglomération se peupla à un point tel qu'en 1869, on la sépara de Saint-Vaast pour en faire une commune. Mais on a pu voir combien celle-ci était redevable à Abel Warocqué de son expansion et même de son urbanisation. Finalement, c'est un ha de terrain qui fut cédé à l'administration communale, non seulement pour l'église, la cure et le cimetière, mais aussi pour une école, "des places et des rues" nécessaires à la mise en valeur du quartier correspondant aujourd'hui à la place J. Mansart et au Drapeau blanc. C'est en témoignage de gratitude que certains proposèrent, mais en vain, d'appeler La Louvière "Abelville".

L'église de Baume, conçue et réalisée par le tenace bourgmestre de Morlanwelz qui, il faut bien le reconnaître, avait sous-estimé le danger des dégâts miniers, fut démolie en 1873 et remplacée par l'église Saint-Joseph, place Maugrétout, donc on avait posé la première pierre en 1867.

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