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La fondation de l'Athénée

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
La fondation de l’Athénée

Au début de ce siècle, quelques hommes "probes et libres" du Centre, fatigués de la politique scolaire du gouvernement catholique qui dirigeait la Belgique depuis 1884, pensèrent à ouvrir dans la région un établissement laïque d’enseignement moyen. Ils constataient, en effet, que beaucoup d’ entre-eux étaient obligés d’envoyer leurs enfants à l’Institut Saint-Joseph "parce qu’il n’y avait rien d’autre". Tous ces enfants, disaient-ils "doivent subir une lutte terrible contre leur raison et leur sensibilité, et si la raison l’emporte souvent, si le mythe religieux ne leur apparaît plus que comme une légende quelconque, il n’en est pas moins vrai qu’il y a toujours une lutte dont ils sortent affaiblis et déprimés".

Raoul Warocqué, qui avait déjà créé à Morlanwelz une Crèche (1901) et une Maternité (1907), proposa de construire un athénée, non pas en face de ce collège Saint-Joseph, comme le proposaient certains, plus exaltés, mais sur "le plateau de Montaigu"

Tout disposé à céder le terrain nécessaire et à financer largement l’entreprise, il souhaitait ne pas se limiter à un établissement privé, œuvre de libéraux bien nantis destinée à des enfants privilégiés, mais s’assurer la collaboration de tous ceux qui voulaient se libérer de "l’emprise cléricale"

En 1908, il fit dresser les plans de son école par l’architecte GH.Demoulin, de Morlanwelz et prit contact avec les socialistes pour créer un vaste mouvement d’opinion. L’accord entre les deux groupes se réalisa au cours d’une réunion à l’hôtel Bervoets à La Louvière, présidée par le Docteur Herman, de Haine-Saint-Pierre, et à laquelle participaient Pastur et Drugmand, députés permanents, Massart et Berloz, députés socialistes, Hiard, etc…

Les travaux de terrassement commencèrent le 28 octobre. Le délai de construction était d’un an. Il fut respecté, bien que la première brique n’ait été posée que le 23 février 1909.

Dans son numéro du 1er novembre 1908, le "Rappel" de Charleroi, écrivait : "Jeudi dernier (29 octobre) il y a eu un grand dîner à Mariemont. Le seigneur de l’endroit y avait invité tous les gros légumes qui composent les collèges échevinaux anticléricaux des environs…. Quand Warocqué veut entreprendre quelque chose, il commence par un dîner, in vino veritas". Et le même jour, "Les Nouvelles", de La Louvière, clamait : "Superbe réunion jeudi !… Paternoster, avocat, en termes élégants et avec une grande justesse, a fait ressortir l’utilité de l’œuvre de l’Athénée…Superbe journée pour l’anticléricalisme" toute une époque d’intolérance et de combat.

Warocqué avait invité à ce banquet les sénateurs Léon Hiart d’Haine-Saint-Pierre, et Gustave Boël, de La Louvière; les députés Léonard, de La Hestre, Pol Boël, de La Louvière, Eug.Berloz, de Morlanwelz; les députés permanents Drugmand, de Familleureux, Heupgen, de Mons, Vanderpepen, de Binche, Caty de Mons, Pastur de Charleroi; les bourgmestres Houtart d’Houdeng-Goegnies, Lintermens, de Seneffe, Robert de Chapelle, Trigallez de Leval, Piette de Fayt, Monnoyer de Bracquegnies, Fontignies d’Anderlues, Noyart d’Haulchin, Saintes d’Haine-Saint-Paul, Guinotte de Bellecourt, Matthey de Souvret, Marcq de Carnières, Delval de Trazegnies; l’avocat Paternosters, le docteur Herman S.Guyaux, fils, le docteur Rondeau, Devreux de La Hestre, l’architecte Demoulin et Aug.Godeaux, directeur de l’école industrielle de Morlanwelz inaugurée en 1888, autre réalisation de la famille Warocqué.

En avril 1909, l’architecte dressa un "devis sommaire" qui s’élevait à 110.000 francs or, soit environ 6.000.000 de nos francs. C’est peu bien qu’on n’ait conçu à ce moment que le bâtiment à front de la rue des Ateliers, il est permis de croire qu’il s’agit d’un devis fort optimiste, comme en dressent encore certains architectes pour inciter le client à construire.

Il est intéressant de comparer quelques prix. Ainsi le mètre cube de maçonnerie qui coûte plus ou moins 2.400 frs aujourd’hui, en coûtait 15 à l’époque (à multiplier par 60 pour convertir la monnaie); les pierres bleues 22.000 au lieu de 200, l’enduit sur mur 90 frs le mètre carré au lieu de 50 centimes; la toiture en ardoises de l’Escaillères à Chimay, ou Raoul Warocqué était important actionnaire, environ 700 au lieu de 5; la charpente en sapin rouge et les gitages sont restés au même prix : 5.400 contre 90 (toujours à multiplier par 60). Il est vrai qu’un maçon gagnait, avant 1914, 50 à 55 centimes par heure et qu’il gagne maintenant 50 à 55 francs.

Le 1er avril 1909, on installa dans ses fonctions le premier préfet des études, Henri Dupont, que le "Patriote" présente en ces termes : "pensionné de l’enseignement officiel, il est grand secrétaire du Grand Orient de Belgique et dirige une publication maçonnique inepte autant que sectaire" Le même journal catholique s’en prend alors aux subsides : "L’étoile des loges annonce que toutes les communes anticléricales ont apporté leur obole à l’œuvre nouvelle…et que le Conseil Communal de La Louvière…a voté un subside de 1.250 francs. Omne trinum perfectum ! La trinité scolaire anticléricale est donc désormais elle aussi parfaite. Les Harpagons des Loges nous ont laissé pour compte l’avorton académique qu’est leur université dite libre (ULB).
Les millionnaires de la sociale ont fait de même pour leur orphelinat rationaliste. Il manquait à la collection un établissement d’enseignement moyen pour que la trinité fut parfaite sous tous rapports. Le Crésus de Morlanwelz-Mariemont a tenu à combler cette lacune.
Une littérature qui nous fait doucement sourire.

Le 4 octobre 1909, c’est-à-dire dans les délais prévus, eut lieu l’inauguration du nouveau bâtiment qui, long de près de 150 mètres, avait pu être exécuté en moins d’un an ! A cette occasion, l’imprimeur et député socialiste Berloz, habitant 87/89, Grand-rue, exécuta une commande de 500 cartes lithographiées d’invitation, 275 cartes d’invitation ou banquet auxquelles étaient jointes 275 cartes réponses avec, au recto, la photographie de l’athénée, et 200 menus pour le banquet; le tout pour une somme de 145 frs, portée en compte de Warocqué. On remarquera les 275 invitations et les 200 menus. Ce simple détail représente bien le châtelain de Mariemont, à la fois généreux et regardant, exceptionnel philanthrope et homme d’affaires méticuleux, soucieux d’éviter le moindre gaspillage.

Le banquet, servi à l’hôtel Beau-Séjour, comprenait : potage oxtail, aspic de saumon avec sauce Vincent, filet de bœuf, civet de lièvre, céleris au jus, poularde de Bruxelles, salade de laitue, tarte paysanne, fruits, dessert; le tout accompagné de vins variés : Saint-Emilion, Volnay 1895, Clos des Fèves 1898, Champagne Lebeau et cie, White Star Moët et Chandon, fine Champagne 1865. De quoi satisfaire les gourmets et les gourmands.

Dans son toast, Raoul Warocqué rappela le souvenir de son père, Arthur, et le désir de celui-ci de voir la région dotée d’un athénée. "La mort l’a empêché de poursuivre son idée et peu après, le gouvernement que nous subissons depuis un quart de siècle nous enlevait tout espoir de réaliser ce projet". L’orateur précisa qu’au départ il n’avait pas été question d’un internat, mais qu’il avait changé d’avis pendant les travaux à la suite des demandes nombreuses. Cette réalisation, ajouta-t-il, est l’œuvre des libéraux et des socialistes, de vous tous qui voulez l’enseignement obligatoire et laïque. Nous sommes tous ici des anticléricaux, nous ne sommes pas antireligieux, ….nous entendons que l’instruction soit scientifique, c’est notre ferme désir afin de respecter les convictions de chacun…Il n’existe pas de fossé entre bourgeois et ouvriers".

C’est également pendant les discours que Warocqué précisa : "j’espère que d’ici peu de temps, si je trouve encore des collaborateurs zélés, nous inaugurerons à Morlanwelz ou du moins dans son voisinage, un établissement laïque pour jeunes filles. Nous ne perdons pas de temps, la vie est courte et j’ose espérer que notre nouvelle œuvre ne tardera pas à voir le jour". On sait que le lycée était prêt à ouvrir ses portes en 1914, mais que la guerre obligea à retarder l’ouverture d’un an.

Pour garder le souvenir de cette mémorable journée, le mécène, grand collectionneur de médailles, en fit distribuer une portant d’un côté le symbole de la lumière et de l’autre "Inauguration de l’Athénée du Centre, 4 octobre 1909, Morlanwelz-Mariemont, Raoul Warocqué fondateur"

Tous les journaux rendent compte de cette inauguration. Si la presse libérale et socialiste pavoise, les journaux catholiques se déchaînent. Le "Patriote" du 9 octobre, après avoir lancé un coup de griffe au Roi, qui n’a cependant rien à voir dans l’aventure, écrit assez curieusement : "si les athénées officiels ont ses sympathies, pourquoi le fondateur a-t-il éprouvé le besoin, à coup de millions (sic), d’en élever un sur un plan, avec un programme distinct ? Et si, pour être libre, une école doit être religieuse ou anti-religieuse, ce qui, dans le fait, revient au même, que signifie, pour les catholiques et les croyants en général la liberté d’enseignement ? Telles sont les arrières pensées de la séquelle maçonnique. C’est effroyablement niais, mais ça qui se dit libre et penseur".

Le "Petit Belge" se moque des discours du préfet Dupont et des députés Berloz et Warocqué le "pachalik" : "Comme ces discours de meeting blocard sont de nature à répandre autour des élèves de l’athénée la pure atmosphère scientifique toute pleine de générosité et de génie qu’entrevoit déjà Monsieur le Directeur et qui le fait d’avance bêler d’admiration. Heureux potache anticléricaux du Centre…. Nous suivrons avec intérêt l’expérience pédagogique dont ils vont être le principal facteur, comme dirait leur savant et littéraire directeur. Nous sommes curieux de voir la sorte de petits "génies", fleurs de générosité, de vertu, d’héroïsme, qui vont s’envoler de l’atmosphère créée à l’athénée du Centre par une éducation morale sans base religieuse et un enseignement anticlérical sans être antireligieux".

Le "XXème" siècle, après avoir comparé Warocqué au milliardaire américain Carnegie, en quoi il n’a peut-être pas tout à fait tort, se préoccupe de la question des subsides communaux et provinciaux.

Le "Journal de Charleroi" présente le problème de cette façon : "Une dizaine de communes du Centre, bien inspirées, avaient inscrite dans leurs budgets de 1909 un crédit destiné à favoriser la fréquentation de l’athénée qui vient d’être inauguré à Morlanwelz. Naturellement le clérical gouverneur du Hainaut, après avoir gardé les dossiers pendant plus de deux mois, a pris finalement son recours, lequel sera sûrement accueilli par le baron dirigeable Descamps. Lorsqu’il s’agit de l’enseignement soi-disant libre, la gent cléricale clame qu’il ne faut rien contrarier ni son organisation, ni son activité, mais il est entendu que ce principe ne vaut que pour les établissements congréganistes. Au contraire, quand il s’agit d’établissements laïques, on n’épargne aucune persécution"
Par contre, le "Pays Wallon" prétend que le recours du Gouverneur est fortement motivé.

Donc, si le "Journal de Charleroi" réclamait des subsides communaux pour l’athénée, le "Pays Wallon" les déclarait illégaux : "On sait que l’enseignement moyen est régi en Belgique par la loi du 1er juin 1850. En vertu de cette loi, une commune peut créer à ses frais un établissement d’enseignement moyen mais elle peut aussi subsidier un collège libre. Seulement dans ce cas, elle doit au préalable lui accorder son patronage pour une durée de 10 ans au plus.

Cette disposition est due à la situation qui existait antérieurement à 1850 pour beaucoup de collèges. Ceux-ci recevaient des communes où ils étaient situés, des subsides plus ou moins considérables, tout en restant maîtres de leur programme et du fonctionnement de l’école sans aucune intervention étrangère.

Inutile de dire que c’était presque uniquement dans les communes catholiques qu’existait cette situation.

A un moment donné (c’était après 1847, année où les élections leur avait donné une forte majorité), les libéraux s‘en offusquèrent et présentèrent aux chambres une loi d’après laquelle les communes ne pourraient plus dorénavant subsidier les collèges libres que moyennant une déclaration de patronage officiel, patronage qui impliquait l’approbation par l’état des programmes d’enseignement ainsi que l’inspection des cours.

C’est donc une loi faite par les libéraux contre les établissements d’enseignement moyen privés ou libres, en réalité contre les collèges catholiques. Les communes pouvaient encore les subsidier…, mais dorénavant elles ne pourraient plus le faire qu’en les patronnant avec l’approbation du Gouvernement : patronage qui place ces collèges dans une certaine mesure sous la tutelle de l’état.

Le nouvel athénée de Morlanwelz qui est l’œuvre d’un groupe d’individualités libérales et socialistes réunis sous la dénomination d’anticléricaux, tombe donc sous l’application de cette loi.

Or que voyons-nous ? C’est que nombre de communes et, en tout premier lieu celle de Morlanwelz, ont inscrit à leur budget de 1909 de plantureux (sic) crédits au profit dudit athénée sans que la condition imposée par la loi de 1850 ait été réalisée. Nous ne sachions pas en effet qu’une convention de patronage ait été conclue entre les communes en question et la direction dudit athénée, encore moins que pareille convention ait été approuvée par le gouvernement.

La situation de l’athénée vis-à-vis de ces communes est donc irrégulière. A qui appartient-il de faire cesser cette irrégularité ?

Evidemment la Députation permanente du Hainaut ne l’a pas fait, elle n’a pas hésité à approuver aux budgets des communes que nous visons les subsides qui y figurent en faveur de l’établissement anticlérical de Morlanwelz. Restait donc l’intervention du gouvernement. C’est pourquoi le Gouverneur du Hainaut a pris son recours contre la décision de la députation, nous espérons bien voir accueillir ce recours.

En fait, le ministre repoussa ce recours du Gouverneur : il admit les budgets communaux. Et Warocqué assista en spectateur amusé à une querelle entre les journaux catholiques eux-mêmes : le "XXème siècle" des 30 novembre et 4 décembre titre : "Une regrettable faiblesse", "Monsieur le Ministre des Sciences et des Arts et l’Athénée du Veau d’or", "L’alliance du Veau d’or, le Gouvernement et la loi"; "le Patriote" prétend avoir été induit en erreur par son confrère et rétablit les faits : "La Députation socialiste du Hainaut a cru jouer un bon tour au Gouverneur du Hainaut en lui cédant l’inscription dans le budget de quelques communes d’un poste contenant un subside à l’Athénée libre du Centre. De là vient que le Gouverneur a pris des décisions à certains égards contradictoires, les unes approuvant les budgets de certaines communes, les autres introduisant un recours contre le budget d'autres communes, bien que l'inscription du crédit en question fût faite dans les uns et dans les autres. Quant au ministre, saisi d’un recours incomplet et tardif, il a, malgré ces circonstances défavorables fait connaître aux intéressés que des mesures immédiates seraient prises s’il n’obtenait l’assurance formelle que dès 1910 toutes les communes en cause effaceraient de leur budget le poste établissant un subside à l’athénée libre du Centre. Cette assurance formelle lui a été donnée.

Il résulte de là :
  1. que non seulement le ministre n’a pas admis la légalité des subsides accordés mais qu’il a fait reconnaître la thèse contraire
  2. qu’il y a engagement de biffer dès 1910 ces subsides dans les budgets des communes.
"Pourquoi l’organe officieux de Schollaert a-t-il pris plaisir d’annoncer des faits inexacts et à exciter contre lui ouvertement l’indignation des catholiques du Centre ?"

En réalité, le Ministre adressa une lettre courtoise à Warocqué, lui demandant "de faire en sorte que le fait qui s ‘est produit n’ait que des suites légalement justifiables". Il ajoutait : "Je ne dois pas vous dire que je respecte comme manifestation de la liberté d’enseignement l’établissement qui a vos prédilections. Vous serez d’ailleurs le premier à reconnaître que l’on ne pourrait un seul instant considérer le sort de cet établissement comme lié au sort des subventions dont vous connaissez la minime importance et dont on conçoit facilement la régularisation ou la compensation.

"Veuillez voir dans cette lettre …un témoignage de justes égards que j’estime devoir à un membre de la représentation nationale". Ce qui revenait à dire que si la procédure utilisée pour les subsides communaux n’était pas légale, il existait plusieurs façons de tourner la loi. Warocqué ne s’y trompa pas : il estima que le ministre était "le plus malin"; n’évitait-il pas ainsi qu’une "enquête faite dans tout le pays ne fasse découvrir que de nombreuses communes catholiques accordaient des subsides à des écoles cléricales en violation de la loi de 1850 invoquée par le Gouverneur ?"

Pendant ce temps, l’école fonctionnait. le vaste bâtiment à deux étages comprenait : dans les sous-sols, les chaudières du chauffage à la vapeur, les bains, les douches, la salle d’escrime, la salle de gymnastique, etc…; au rez-de-chaussée, sept classes, la bibliothèque, la salle des professeurs, le logement du concierge…; au premier étage, sept autres classes, un laboratoire de chimie et de physique. Le tout dans un parc "aussi grand que vous voudrez", avait dit le fondateur, avec un vaste terrain pour les jeux et un court de tennis.

L’ouverture se fit avec plus de 200 élèves, dont 33 pensionnaires qu’il fallut héberger au Beau-Séjour en attendant l’achèvement des chambrettes; un surveillant les y conduisait le soir, y logeait, ainsi que le préfet des études, et les ramenait le matin.

Le succès fut tel qu’on dut, l’année suivante, prévoir le moyen de loger 200 internes. Warocqué décida de réserver les premiers bâtiments à l’internat et de construire de nouvelles classes et une salle de gymnastique le long de la rue de l’Enseignement en les reliant par une aile au premier bâtiment, ce qui conféra à l’athénée l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui encore.

Cette réussite était due au fait qu’il n’y avait aucun établissement officiel d’enseignement moyen dans la région, que, dans un large esprit démocratique, on accordait déjà des bourses et la dispense du minerval aux enfants des communes qui accordaient un subside, " au prorata du nombre des élèves et de la part d’intervention des dites communes" qu’un programme nouveau s’adaptait aux progrès pédagogiques :
  1. Aucune classe ne peut comporter plus de 24 à 30 élèves.
  2. Les professeurs suivent leurs élèves de classe en classe : les professeurs des classes inférieures jusqu'en 4ème; ceux des classes supérieures jusqu'en rhétorique, afin d'établir une plus grande unité dans les méthodes d'enseignement, de permettre aux éducateurs de mieux connaître leurs élèves et d'exercer sur eux une action morale plus soutenue.
  3. Le programme a été constitué de façon telle que les parents peuvent retarder le choix des directions définitives à imprimer aux études de leurs enfants et par conséquent le choix de leur carrière jusqu'à l'âge de 15 à 16 ans.
  4. Le but poursuivi est le développement intégral de toutes les facultés de l'enfant et non pas seulement l'acquisition des connaissances nécessaires à l'exercice de telle ou telle profession.
  5. On a adjoint au programme les travaux manuels, afin de développer chez l'enfant l'habilité manuelle, l'esprit d'observation et le sens pratique.
  6. La morale, le dessin, la gymnastique et la musique font partie du programme obligatoire pour tous les élèves et ont la même cote d'importance que les autres branches.
  7. Tous les élèves doivent apprendre une langue germanique, mais dès le début ils ont le choix entre l'allemand, l'anglais ou le flamand; ils peuvent, à leur gré, apprendre successivement une seconde langue germanique à partir de la 4ème, et une 3ème à partir de la seconde.
  8. Afin de bien établir le principe directeur de la méthode pédagogique appliquée dans l'institution :
    1. Les cotes attribuées au travail de l'élève (devoirs, leçons, préparations) entrent en ligne de compte pour l'appréciation du travail de l'élève;
    2. Des bulletins hebdomadaires dans les classes inférieures, bimensuels dans les autres, tiennent les parents au courant de l'application et des progrès de leurs enfants.
Il suffit d'observer les photos des laboratoires de physique, de chimie ou d'histoire naturelle pour se rendre compte de la perfection de l'équipement, exceptionnel pour l'époque. Tous les professeurs de la première "mouture", qui ont connu Warocqué, peuvent témoigner du souci qu'il avait de faire de son établissement une école-pilote.

Le seigneur de Mariemont, on l'a vu, s'était engagé à couvrir les frais de construction et de fonctionnement. Pour la comptabilité, la surveillance des travaux et la gestion, il était aidé par A. Godeaux. Une note de ce dernier, dressée en septembre 1913, mentionne une dépense de 751.017 francs-or, environ 45millions de nos francs! On sait que les communes et la province votèrent des subsides : la province, 20.000 frs; La Louvière, 1.250; Bois-d'Haine et Fayt, 500; La Hestre et Haine-Saint-Paul, 250, etc. Un comité de propagande se chargea de recueillir des fonds et Warocqué, envoya des bulletins de souscription à ses nombreux amis et connaissances. Parmi les réponses, mentionnons celle d'un L. Wasterlain, boucher, 78, grand'rue, qui dit avoir refusé la quittance de soutien parce qu'on sert aux pensionnaires de la viande provenant d'un boucher de Bruxelles, ou celle du baron Empain : "calotin, je ne peux souscrire officiellement à une oeuvre que j'approuve officieusement".

Aucun document ne me permet de préciser l'apport des subsides et des souscriptions. Mais il est certain que l'athénée coûtait cher à son fondateur, qui verse à Godeaux 720.000 frs en 1909-1910, 225.000 en 1911, de ces sommes était consacrée à la construction de l'orphelinat, ouvert en 1910.

Le corps professoral du début comprenait, outre le préfet, 22 professeurs dont quelques-uns sont bien connus : Blammailland, Leclercq, Mélotte, Raeymakers, Rauis, Seys, Vanderhagen et Bruyère. Sont entrés l'année suivante, notamment, j. Havenne, R. Livin, J. Nys et Frère, qui deviendra préfet en 1915 au moment du départ de Dupont.

L'inspection était assurée par des professeurs de l'U.L.B. et de l'école militaire : Gégoire pour le latin et le grec, Lameere pour les sciences naturelles, Leclerc pour l'histoire, Vermeylen pour le flamand, etc...

Dans le premier palmarès de 1909-1910, j'ai relevé les noms de Gaudy, Godefroid, Liénaux en 5ème,etc...

En 1913, les recettes s'élevaient à 70.052 frs, dont 16.735 provenant du minerval, 20.000 du subside provincial, 18.939 des souscriptions, 11.100 de subsides communaux, etc... ; les dépenses, à 91.476 frs, soit un mali de 21.424 frs à verser par le fondateur.

Au 30 novembre 1916, c'est-à-dire en pleine guerre, on enregistrait 295 élèves externes et 59 internes, soit un total de 354. Ce chiffre prouve à suffisance l'utilité de la création de l'athénée.

Notons, pour terminer, que Raoul Warocqué légua son établissement à la province de Hainaut, par testament daté de 1916. Ce milliardaire philanthrope est mort à Bruxelles le 28 mai 1917, âgé de 47 ans.

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