Aller au contenu. | Aller à la navigation

Navigation

Navigation
Menu de navigation
Vous êtes ici : Accueil / Loisirs / Histoire / Histoire de Morlanwelz / M. Vanden Eynde / Enigmes à Morlanwelz en 1830
Actions sur le document

Enigmes à Morlanwelz en 1830

  L'Histoire de Morlanwelz

Table des matières

 
ENIGMES A MORLANWELZ EN 1830

Au moment où le libéralisme, une des lignes de faîte du XIXème siècle, pousse les Français à se révolter contre l'absolutisme de Charles X, les Belges se soulèvent contre Guillaume Ier, homme d'affaires éclairé mais despote attardé, incapable d'amalgamer la Belgique et la Hollande en un royaume des Pays-Bas.

On sait comment la représentation tumultueuse de la Muette de Portici à la Monnaie, le 25 août 1830, se transforma en une véritable émeute : mouvement national qui revêt un caractère social, comme en témoignent les bris de machines.

Sitôt connus ces événements de Bruxelles, la province "bougea" également. Dans certaines villes, on désigna une députation pour aller réclamer du roi le redressement des griefs : respect de la "Loi fondamentale", liberté de presse, d'enseignement et des langues, diminution des impôts, répartition égale des emplois publics entre Belges et Hollandais, etc...

A ce moment, on envisageait seulement la séparation entre les parties septentrionale et méridionale du royaume, pas encore le renversement de la dynastie. Cependant, comme on craignait une action énergique des troupes royales, on se prépara à la résistance, on sollicita du renfort de la province, on se querella même entre volontaires extrémistes et garde bourgeoise modérée.

L'on arrive ainsi au 22 septembre, jour où l'on apprend que le prince Frédéric a décidé l'entrée des troupes hollandaises, le recrutement de volontaires en province, la création d'un gouvernement provisoire, la libération, l'indépendance de la Belgique.

Les archives communales ne permettent pas de se faire une idée précise de ce qui s'est passé à Morlanwelz pendant ces journées révolutionnaires. Dans le "Registre des délibérations des membres du conseil du village de Morlanwelz", on ne trouve aucune trace de réunion du Conseil communal entre le 24 juin et le 19 octobre. Mais, à cette dernière date, on constate que Nicolas Warocqué a été remplacé par Joseph Paris comme bourgmestre. C'est ce dernier qui décide de faire une collecte dans la commune pour subvenir "aux besoins des malheureuses victimes" de Bruxelles. Au total, Morlanwelz offre 1.473 pains, 12 kilos de linge, 505 florins plus 219 remis aux volontaires.

Ce geste de Morlanwelz rejoint celui des autres communes : Arquennes envoie 600 pains et un bœuf; Feluy, 83 rasières de froment, 3 vaches et 300 pains; Haine-Saint-Pierre, 6 sacs de froment, 5 sacs de siègle, 8 sacs de farine; etc.

Le procès verbal de la séance du 19 octobre est signé : Paris, bourgmestre, Dussart, Tilmant, Delfosse et Potdevin.

Pourquoi ce changement de bourgmestre ? Parce que Nicolas Warocqué, en fonction depuis 1805, a hésité lors des journées de septembre, pour plusieurs raisons. Administrateur des charbonnages de Mariemont, Olive et Chaud-Buisson, actionnaire dans plusieurs autres entreprises, donc hommes d'affaires avant tout, il partage l'opinion de nombreux industriels qui, conscients de l'effort de Guillaume Ier d'Orange pour augmenter la production industrielle de nos provinces, moderniser leur équipement technique et faciliter le crédit, estimaient que cette rupture entraînerait inévitablement un marasme économique. Convaincu des avantages d'un Benelux anticipé, il avait joué la carte "oranaiste" et avait été anobli par arrêté royal du 15 août 1829. Il n'imaginait pas que cette de nationalisme, qui détruisait l'équilibre européennes. On peut dire qu'il faisait passer la raison et les affaires avant les sentiments.

Qui est Joseph Paris ? Un curieux monsieur. Sa famille est au service de Charles de Lorraine. Lui-même est né en 1754 à Tervueren, là où le gouverneur général des Pays-Bas autrichiens dispose aussi d'une vaste résidence, tandis que, au m^me moment, 3 de ses oncles sont en service au château de Mariemont, brigadiers de chasse ou garde à cheval. A ce titre, ils touchent 730 livres par an, plus un uniforme tous les 2 ans, plus une prime de 28 livres chaque fois qu'ils tuent un loup, ce qui arrivait encore assez souvent.

Joseph Paris devint médecin et alla se fixer en Russie où il reçu la noblesse parmi sa clientèle. D'un extérieur agréable, affable, spirituel, généreux, comme dit O. Hubinont, il a su plaire à une jeune princese de la haute aristocratie et un mariage secret ne tarda pas à unir les 2 amants. Ils avaient toutefois compté sans les grands-parents et surtout sans le tsar qui força bientôt Paris à quitter la Russie, y laissant sa femme et une jeune enfant.

Cette enfant fut depuis la princesse Repnine dont le fils fut le prince Balabine, ambassadeur de Russie à Paris, avant la guerre de Crimée. Quant au docteur Paris, il était philosophiquement se réfugier en sa maison de la Chanette ...; il y a vivait libéralement, y recevant quelquefois la visite de sa noble famille.

C'est donc à Morlanwelz qu'il apprend les événements de Bruxelles en 1830. C'est d'ici que ce vieil adversaire de l'organisme, qui avait refusé de prêter serment lors de sa désignation comme conseiller communal en 1819, part malgré ses 76 ans, pour répondre aux exhortations de l'avocat Plaisant et du professeur Lesbroussart, venus en tournée de recrutement dans le Brabant Wallon et dans le Centre.

Le 24 septembre, ils s'en vont à 19 de Morlanwelz, à 8 de La Hestre, à 22 de Fayt, à 20 de Seneffe parmi lesquels les 2 Descamps, qui deviendront l'un cardinal et l'autre ministre, et dont le père avait habité à Morlanwelz, là où se trouve aujourd'hui la banque de la Société Générale.

Cette participation, à partir du 25 septembre, aux journées révolutionnaires, vaudra à Paris la Croix de Fer distribuées "aux citoyens qui, depuis le 25 août 1830 jusqu'au 4 février 1831, ont été blessés ou ont fait preuve d'une bravoure éclatante ou ont rendu des services signalés au pays". Sur la liste des 1631 décorés, Joseph Paris figure avec cette citation : "Il détermina un grand nombre de volontaire à voler au secours de la capitale, en assurant à ses frais l'existence de leurs familles; élu bourgmestre le 30 septembre 1830, quoique octogénaire, il en accepta les fonctions, et fut ainsi le premier magistrat municipal de la Belgique indépendante".

Cette attitude vaudra à la commune de Morlanwelz, le drapeau d'honneur décerné "aux villes et communes dont les volontaires se sont portés sur les lieux menacés par l'ennemi ou qui ont contribué d'une manière efficace au succès de la révolution". Ce drapeau et le diplôme sont conservés dans la salle du Conseil à l'hôtel communal. Il y ont été ramenés par une députation chargée d'aller les recevoir à Bruxelles en septembre 1832, et composée de P. Stavaux, H. Hubinont et J. Demaret. Les 2 premiers, membres du conseil communal; le troisième, marchand-brasseur, futur membre du bureau de bienfaisance.

Le 28 octobre 1830, "les soussignés Paris Joseph, Leclercq Isidore, Cambier Eugène, Ghilain Jean-Joseph, Pranger François, Hubinont Hubert et Stavaux Pierre, respectivement Bourgmestre, Assesseurs et Membres du conseil de la commune de Morlanwelz, déclarent adhérer au gouvernement provisoire de la Belgique, établi par arrêté du 26 septembre 1830 ..."

On constate donc qu'entre le 19 et le 28 octobre, tous les assesseurs et membres du conseil ont été changés. On sait que des élections se déroulèrent en ce moment, nettoyage, car en fait n'étaient électeurs que les citoyens redevables d'un minimum de 10 florins d'impôts.

Voilà une question à laquelle je ne peux répondre. C'est la première énigme.

On peut aussi se demander si le nouveau bourgmestre ne profita pas de l'erreur psychologique de N. Warocqué pour régler une querelle qui remontait peut-être à 1820, moment où, à une réclamation de Paris "tendant à obtenir une réduction sur la cote de sa contribution financière", les mayeur, échevins et commissaires-répartiteurs répondirent qu'ils avaient "constamment pris pour base de leurs classifications la valeur du loyer d'habitation personnelle de chaque habitant et non ses facultés présumées". "Que c'est en partant de ce principe que le réclamant ne payait qu'une faible contribution mobilière, qu'il n'habitait qu'un quartier dans une maison de la commune, quoique alors comme maintenant il était présumé jouir d'un capital considérable qu'il a toujours su faire avantageusement fructifier au delà même des bornes autorisées par nos lois civiles. Que ce n'est qu'après qu'il eût habité alors la plus jolie et la plus spacieuse de la commune, en bâtiment d'habitation et dépendances d'agrément, que sa cote mobilière fut portée par modération et contre la sévère application des principes de la loi, à la hauteur de celle de Monsieur Warocqué, désigné en comparaison par le réclament. Que pénétrés qu'on ne peu déroger à un principe établi par une loi sans entrer dans l'arbitraire, les soussignés sont d'avis unanime qu'il serait de toute injustice de diminuer la cote mobilière du sieur Paris et que sa réclamation n'est nullement fondée et ne doit pas être accueillie".

Joseph Paris est donc un homme riche, accusé même d'être un usurier. C'est lui qui paie le plus de contributions directes (100 florins par an), après Nicolas Warocqué (681 florins). Le premier cadastre le signale comme propriétaire des parcelles 423, 424, 425, 426 et 427 de la section A contenant un bâtiment rural de 50 centiares, un jardin de 51 ares 70 ca, un verger de 11 ares, un bâtiment rural encore de 50 ca , une maison de 3 ares 20 ca, rue de la Chanette, en face de la rue du Chenia, actuellement rue du Chêne. Dans son jardin, sur une colonne cylindrique en pierre bleue qui servait de cadran solaire, l'original Parts avait placé un canon miniature qu'il faisait tonner à l'heure de midi.

Le nouveau Collège ne tarda pas à entrer en conflit avec l'ex-bourgmestre. Celui-ci ayant décidé de vendre "les arbres plantés et existants sur les accotements du chemin vicinal de première classe allant de cette commune à Mariemont", se heurta à une opposition signifiée par huissier et justifiée par des arguments solides : ce "chemin a toujours appartenu à la commune, comme il en conte par un droit de chausséage autorisé par lettre d'octroi en acte du 12 mars 1729, 9 mars 1789 et 14 thermidor an X (1802)"; il a toujours été entretenu "ainsi que les accotements et fossés avec le droit de chausséage comme on peut le voir par tous les anciens budgets de la commune" (1831)

Warocqué ayant malgré tout vendu ces arbres - une cinquantaine d'une valeur approximative de 300 florins (un peu plus de 600 francs-or) - les autorités communales demandèrent aux "aux nobles et honorables Seigneurs du Collège des États-députés de la province (la députation permanente)" de pouvoir "traduire le sieur Warocqué par devant le tribunaux compétents pour être condamné à la restitution du produit de la vente et en outre aux dommages et intérêts pour avoir fait abattre des arbres qui commençait seulement à croître". Le 3 mars et le 12 avril, elles insistèrent, ajoutant que si l'intéressé prétendait être le propriétaire du terrain sur lequel la chaussée avait été établie, il serait facile de démontrer le contraire à l'aide des titres d'acquisition : Il résulte de l'indication des tenants et aboutissants contenus dans le catalogue de vente de la forêt de Mariemont acquise par N. Warocqué et le charbonnage en 1829, que les parcelles qui touchent à la chaussée sont limitées par elle". Ainsi par exemple le lot de Z est désigné comme suit : "Ce lot se compose de la Faisanderie et est limité au nord par l'enceinte de la forge, lot P, l'enceinte de la Faisanderie, lot Q, l'enceinte Saint-Hubert, lot R, l'enceinte Saint-Joseph, lot S à l'est par la chaussée de Mariemont..."

Or, si la propriété achetée par le sieur Warocqué est limitée par la chaussée de Mariemont, c'est que cette chaussée n'est point comprise dans son lot.

D'un autre côté, s'il est prouvé qu'il n'a pas et qu'il n'a pu acquérir la propriété de cette même chaussée, il restera démontré que ces arbres qui en étaient la dépendance ne pouvaient lui appartenir.

Il suit donc de tout ce qui précède que le fait du sieur Warocqué d'avoir vendu et fait abattre ces arbres est une véritable usurpation.

Y eut-il procès ? C'est la deuxième énigme que je vous pose.

Le 27 mai, le même conseil communal demanda aux autorités provinciales l'autorisation d'engager une autre action judiciaire pour faire annuler l'achat, en 1829, du moulin communal par N. Warocqué. En dépit du refus de la Députation permanente, il s'adressa au Ministre de l'intérieur et obtint du roi, le 29 janvier 1832, un arrêté autorisant les poursuites.

Mais revenons en 1830. Car s'il y eut quelques orangistes, il se trouva aussi quelques "réunionistes", c'est-à-dire des partisans du rattachement de la Belgique à la France. Ceux-ci firent circuler des pétitions qu'ils adressèrent au Congrès National. A Fontaine- l'Evêque, une centaine de personnes signèrent la pétition; à Jemappes, 45; à Dour, 141; à Morlanwelz, 124; pour une population de 1.600 personnes.

Que signifient ces chiffres ? Certain considère qu'ils restent sujet à caution parce que les manufacturiers ou les patrons de charbonnages ont pu recueillir parmi les ouvriers des signatures plus ou moins obligée; tel autre considère que "c'est au nombre des électeurs censitaires de l'endroit dont sans doute faisaient partie tous les pétitionnaires, qu'il faudrait pouvoir se référer. Ce mouvement réunioniste... n'était pas le fait d'une poignée d'isolés mais il était soutenu par la classe dirigeante, ces bourgeois qui seuls, à cette époque, avaient le droit de vote".

Ni l'une ni l'autre de ces remarques ne valent pour Morlanwelz. Le patron charbonnier, on l'a vu, était orangiste; les signataires ne pouvaient pas être tous des bourgeois car la population à Morlanwelz se composait en majorité d'ouvriers. 6 personnes seulement payaient un impôt supérieur à 50 florins : N. Warocqué, J. Paris, G. Potdevin, propriétaire d'un tordoir et d'une savonnerie, J. Otlet, fermier, F. Pranger, propriétaire, M. Bailly, négociant. Y avait-il 118 habitants astreints à payer de 10 à 50 florins ? Il est permis de rejeter cette hypothèse lorsqu'on sait que dans des localités comparables : Farciennes, Marchienne, Châtelineau, on notait respectivement 56, 49 et 43 électeurs. Mais quels étaient donc les signataires ? Voilà notre troisième énigme.

Notons d'ailleurs que les deux mouvements, orangisme et réunionisme ont un point commun : ils estiment que la Belgique indépendante vivrait difficilement et que sa prospérité est liée à l'association soit avec la Hollande ou soit avec la France. La pétition de Fontaine- l'Evêque, publiée par F. Dumont, ne laisse aucun doute à ce sujet. Au fond, ces pétitionnaires souhaitaient revoir ce qu'ils avaient connu pendant une vingtaine d'année : la réunion à la France.

On sait comment Louis-Philippe, pour éviter une guerre avec les puissances européennes, déclina pour son fils, le duc de Nemours, l'offre du Congrès belge qui choisit alors Léopold de Saxe Cobourg, né en 1790, veuf en 1817 de la princesse héritière d'Angleterre. En 1832, Léopold Ier épousa en seconde noces Louise-Marie d'Orléans, fille de Louis-Philippe, ce qui arrangea bien des choses.

A Morlanwelz, les petites querelles de la politique villageoise continuèrent. En 1833, les autorités communales, à court d'argent, estimèrent intelligent de rétrécir la chaussée Brunehault qui "excédait de beaucoup la largeur nécessaire aux chemins vicinaux", et de rendre à l'agriculture les parcelles provenant de ces excédant inutiles à partir du chemin de Morlanwelz à Carnières jusqu'à la rencontre du chemin de Tout-Vent. Aussitôt Warocqué, au nom du charbonnage, fît remarquer qu'il n'y avait pas eu enquête de commodo et incommodo, qu'il était privé de la contiguïté à la chaussée, ce qui dépréciait la valeur de la propriété. Le tribunal de Charleroi fut saisi du différend. Comment le jugea-t-il ? Voilà la quatrième énigme.

En 1836, Paris, âgé de 82 ans, quitte la scène politique. Il est remplacé, comme bourgmestre par Abel Warocqué, fils de Nicolas. Ce dernier meurt en 1838, âgé de 64 ans; Paris , le 28 mars 1842, à 5 heures du soir, à l'age de 87 ans et 11 mois. La déclaration de décès de ce dernier, faite par ces 2 neveux, Pierre et François Paris, le signale veuf de Thérèse Laeutner. Ainsi disparurent 2 hommes qui, par leur rivalité, avaient provoqué pas mal de remous parmi les habitants de Morlanwelz.

N. Warocqué, à cause du testament de son arrière petit-fils, Raoul, est enterré dans le mausolée du parc de Mariemont; J. Paris, dans le cimetière derrière l'église, où un mémorial décidé par le conseil communal en 1912 garde son souvenir.

  PRECEDENT.JPG suivant.jpg  
 
Hautpage