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La Famille Warocqué - Une dynastie de maîtres-charbonniers

Préface

 

En 1970, dans la collection "Monographies du Musée de Mariemont", M. Maurice Van Den Eynde consacra une remarquable étude à Raoul Warocqué - Seigneur de Mariemont.  Depuis lors, il n'a cessé de s'intéresser à toute la famille, ce qui lui permet de nous la présenter aujourd'hui sous le titre : La Famille Warocqué - Une dynastie de maîtres-charbonniers, représentée par quatre générations et six personnages : Nicolas, Abel, Léon et Arthur, Georges et Raoul.

Ceux-ci offrent l'exemple d'une constante familiale remarquable.  Tous ont dirigé le charbonnage de Mariemont et, à l'exception de Nicolas, celui de Bascoup. Comme ils vivaient au temps où le charbon était roi et détenaient un tiers des actions du premier et la moitié du second, ils en ont tiré des profits considérables qui ont constitué la base de leur fortune.  Tous ont voulu renforcer leur pouvoir économique par l'influence politique.  Ils sont devenus bourgmestres de Morlanwelz et les trois derniers ont été des députés libéraux ;  Ils ont misé sur l'industrialisation du Centre et, conséquence toute logique, sur la plus-value des terrains.  Georges mis à part, ils n'ont pas hésité à emprunter de grosses sommes d'argent pour en acheter le plus qu'ils ont pu.  Chose étonnante, leur fortune ne s'est pas divisée lors des héritages, mais elle s'est amplifiée grâce aux riches mariages d'Abel et sa fille Mélanie,,il est tout entier revenu à la famille lorsque cette dernière a légué ses biens à ses petits-neveux.  Mais il y a souvent un fils prodigue dans les plus riches familles : Georges, qui a perdu plusieurs millions au jeu.  Raoul est parvenu à redresser la situation, mais ses ennuis rappellent ceux de Nicolas, en 1832, lors de la faillite de son frère Isidore.
Nicolas, qui représentait le patronat de droit divin, dirigea les charbonnages de Mariemont avec une extrême rudesse : ses descendants, par contre, auront des préoccupations sociales de plus en plus marquées.

Abel inventa la "warocquère", Raoul mit au point une bannière de sécurité.  Le premier lotit le quartier du Cerisier à La Louvière, le second celui du Parc.

Arthur, peintre amateur de qualité, continua une collection de tableaux commencée par son père.  Son fils cadet, sans être spécialement attiré par les arts plastiques, devint un des plus grands collectionneurs de Belgique.  Il y trouvait un élément de prestige que d'autres eussent recherché dans un titre de noblesse.  Mais resté célibataire, et dernier représentant de la famille, il y voyait le moyen de ne pas tomber dans l'oubli.  C'est la raison pour laquelle il légua à l'État son parc, son château et ses collections, à la condition que la destination de ces legs fût conservée.  Détail ultime qui confirme ce souci de gloire posthume il exigea qu'à chaque grille d'entrée du domaine, figurât une plaque en bronze portant le nom de toute la dynastie Warocqué : quatre générations, six personnages ...

On retrouve dans la belle étude de M. Maurice Van Den Eynde les qualités dont il a fait montre dans sa première monographie, consacrée à Raoul Warocqué.

Tout d'abord, une connaissance approfondie du sujet.  Outre la masse de documents et références qu'il manie avec une extrême sûreté, il y a aussi l'appartenance de l'auteur à la région du Centre, ce qui apporte une sorte de témoignage vécu à maints passages de l'ouvrage.  La rigueur de ses informations, le souci constant du détail précis attestent une maîtrise peu commune de son métier d'historien.

Mais si la méthode est sûre et les techniques d'investigation irréprochables, il faut encore que le récit fasse corps avec l'époque à laquelle  il se réfère.  Cette exigence est également satisfaite.  On y retrouve l'évolution du capitalisme moderne, de la naissance à la maturité : la période implacable de la percée industrielle avec Nicolas Warocqué, puis celle qui vaudra peut-être aux trois successeurs, mais surtout au dernier, le mérite d'avoir esquissé avant d'autres un infléchissement du système économique vers le capitalisme social et le paternalisme.  Ces concepts, si souvent décriés, amorcent néanmoins, selon nous, un solidarisme auquel on n'a pas toujours rendu justice.

Certes, à aucun moment, l'auteur ne développe de telles considérations.  Mais ce qu'il écrit permet de les envisager et même d'en formuler d'autres, tout aussi dignes de réflexion, tant il est vrai que l'approche historique consciencieusement préparée est toujours génératrice 'hypothèses fécondes, dans le voisinage des domaines qu'elle prospecte.

C'est pour ces raisons que l'ouvrage de M. Van Den Eynde intéressera, à la fois, l'historien de métier et l'honnête homme d'aujourd'hui.

Et sans vouloir nous étendre ici sur la querelle qui a surgi à propos de l'enseignement de l'histoire, qu'ils nous soit permis d'affirmer que notre conviction, quant à nous, s'est encore renforcée, à savoir que l'histoire, quand elle est bien faite - et c'est éminemment le cas en l'occurrence - contribue à la consolidation des penchants spirituels qui gouvernent les conduites des citoyens dans une société libre.  Le sentiments d'appartenir à une communauté plongeant ses racines dans le temps, la fierté que font naître des activités poursuivies ensemble, rendent possible, grâce à l'histoire, l'épanouissement d'idéaux dont chacun de nous se sent dépositaire dans le présent, pour le meilleur et pour le pire.  En un mot, l'identité que certains idéologues voudraient vider de sa substance pour la recréer ensuite en la mutilant et en l'assujetissant à des contraintes infiniment plus sordides et plus basses que celles qui l'environnent parfois aujourd'hui.

On se réjouira donc que les annales de la dynastie des Warocqué ne s'isolent pas du contexte social toujours présent à l'esprit de l'auteur, aussi bon humaniste qu'il est bon historien.

Ainsi, l'honnête homme, assez malmené par les temps qui courent, trouvera-t-il  dans l'étude de M. Van Den Eynde une foule de ces "petits faits vrais" qu'emmagasinait le cerveau de Stendhal quand cet auteur s'efforçait de cerner les personnages de ses romans et de découvrir les mobiles qui mes faisaient agir.

Disons enfin, en souhaitant que tous les lecteurs le ressentent comme nous, que, page par page, nous avons perçu dans cette écriture, une sorte de ton,alité sobre et discrète qui donne à l'ouvrage, en dépit mais peut-être aussi à cause de sa facture rigoureuse, un charme particulièrement attachant.

 

Max DRECHSEL.
(1984)